Avant-Propos :
En charge du cours d’écriture pour les étudiants de première année de Master au second semestre de l’année universitaire 2019-2020, l’objectif principal pour moi était trouver un moyen de concilier un travail sur la méthodologie et les techniques de l’expression écrite de type universitaire (Français sur Objectifs Universitaires ou FOS) avec des activités pratiques et collaboratives qui puissent être véritablement utiles pour les étudiants dans leurs différents projets de recherche personnels et leur formation d’étudiants-chercheurs.
Je ne voulais donc pas faire de ce cours un cours de connaissances et de savoirs mais davantage un cours de compétences et de savoir-faire, en tentant de favoriser au maximum les échanges et la coopération entre les étudiants entre eux, mon rôle consistant plutôt à penser et organiser les différentes activités en amont que d’enseigner d’une manière magistrale, même si les mises au point méthodologiques et le travail sur exemples authentiques ont bien entendu aussi occupé une place importante.
C’est ainsi que j’ai choisi de construire ce cours autour d’un projet central, étendu sur l’ensemble du second semestre universitaire : celui d’organiser, d’une manière informelle dans le cadre du cours, des journées d’étude sur un thème commun qui puisse rassembler les différentes spécialités et intérêts des étudiants inscrits pour ce cours et avec pour point de mire la rédaction d’un article scientifique abouti pour la publication des actes.
Ce projet de classe, mené à distance, nous a donc permis d’aborder pragmatiquement les différentes étapes qui mènent à l’organisation d’une réunion scientifique ouvertes aux jeunes chercheurs et d’aborder les différents types d’écrits universitaires propres à cet exercice académique.
Les étudiants ont d’abord dû, par groupes, réfléchir à et écrire une proposition de colloque et d’appel à communication, tout en définissant les modalités d’organisation pratique de la réunion scientifique projetée. Après concertation collective en groupe classe, une proposition a été retenue.
Ensuite, les étudiants ont travaillé individuellement à l’écriture de leur proposition de communication. Les différentes propositions ont été mises en commun et nous sommes passés à l’étape de la constitution des panels thématiques, de la désignation des modérateurs et de l’organisation structurelle pratique des journées d’étude.
Nous avons alors détaillé la méthodologie de l’exposition orale de la recherche en insistant sur les techniques d’expression orale et celles de la création de supports visuels et écrits adaptés.
Enfin, à l’issue de leur communication orale, les étudiants devaient remettre le texte écrit de leur communication dans le but de la publication des actes de ces journées d’étude en respectant des critères précis de mise en forme et de règles typographiques ; mon but étant ici de travailler les différentes formes (orale et écrite) de l’exposition de leur recherche en en cernant bien les enjeux, objectifs et modalités différents.
Les étudiants se sont tous prêtés avec rigueur, sérieux et dynamisme à ce projet de longue haleine, ne refusant jamais de modifier et corriger quelque peu leurs travaux et de me rendre une seconde version plus aboutie dans la langue ou la forme.
Je les remercie sincèrement pour leur travail assidu et leur implication tout au long du semestre. J’ai eu personnellement un grand plaisir et satisfaction à le passer avec eux.
Les quelques actes (une sélection) publiés ici sont les fruits de leurs recherches, de leur labeur et de leur enthousiasme. Je vous souhaite une excellente lecture.
Bien cordialement,
Julien Guillemet.
Lecteur de français, SISU, 2019-2020.
Appel à communication
La société contemporaine des pays francophones : la langue et la culture
Information publiée le 15 avril 2020 par Université des Études internationales de Shanghai (SISU)
Journée d’étude : La société contemporaine des pays francophones
Mercredi 27 et jeudi 28 mai 2020, Shanghai, Chine
Université des Études internationales de Shanghai
Le département d’études françaises de l’Université des Études internationales de Shanghai invite sincèrement les étudiants et les chercheurs de la langue et la culture française à participer à la journée d’étude ayant pour thème les pays francophones.
La francophonie désigne l'ensemble des personnes et des institutions qui utilisent le français comme langue de première socialisation, langue d'usage, langue administrative, langue d'enseignement ou langue choisie. Après la Seconde Guerre mondiale, les pays francophones sont désormais entrés dans une nouvelle ère. La France a accueilli la fondation de la cinquième République en 1958, et la vague des mouvements de libération nationale à cette époque-là a contribué à l’essor de la décolonisation des pays francophones en Afrique. En 1970, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a été créée avec pour mission de promouvoir la langue française et la diversité culturelle et de développer la coopération des pays francophones. Grâce au rétablissement de la paix, la langue et la culture des pays francophones se développent d’une manière plus diverse dans le temps contemporain, surtout à partir du 20e siècle.
Sur le plan linguistique, le français prend une place primordiale dans la plupart des pays francophones. Cependant, même en France, la présence des dialectes et des langues régionales ainsi que celle de la différence d’accent entre le nord et le sud restent un phénomène bien marqué. Dans d’autres pays francophones, il existe non seulement certaines variations du français, mais aussi de nombreuses langues officielles comme en Belgique ou au Québec, ce qui impose un grand impact sur la société contemporaine des pays francophones. Du côté social, comme une langue répandue, la langue française rassemble des pays de tous les continents et favorise leurs interactions culturelles, économiques et politiques, ce qui peut être constaté par la création de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF). La langue en commun, cependant, traverse les utilisateurs de toutes les races, de toutes les religions, de tout statut social, économique et culturel, donc chaque société francophone témoigne d’une situation unique en fonction des développements économiques, politiques, éducatifs et militaires etc.Sur le plan culturel, selon « La déclaration de Cotonou » du 15 juin 2001, lors de la Conférence des Ministres francophones de la Culture, la diversité culturelle constitue l'un des enjeux majeurs pour la francophonie contemporaine. La diversité culturelle renvoie à la multiplicité des formes d’expression des cultures des groupes et des sociétés. Au sein de la francophonie, vu que la quasi-totalité des pays sont multilingues, le respect des cultures diverses est un enjeu nécessaire qui favorise la solidarité des pays. Du côté littéraire, de nombreux chercheurs en littérature de langue française créent activement une communauté de littérature francophone dans le but de mieux s’intégrer à la littérature mondiale.
Les pays francophones semblent bien profiter des avantages apportés par le statut de la langue française. En même temps ils sont supposés également être confrontés à des défis réels innombrables. En effet, ils sont obligés de relever ensemble le défi de l’éducation, de l’emploi, de la mobilité et de la diversité culturelle. De plus, pour faire face au développement inégal, l’esprit solidaire des états membres de l’OIF est questionné. Pire encore, dans certains pays francophones, la place primordiale du français est menacée par l’anglais au fur et à mesure, ce qui les empêcherait de conserver leur culture régionale et éthique. En conséquence, la francophonie présente un ensemble de problèmes de toutes sortes qui peuvent se trouver partout dans le monde entier. Pourtant, comme les pays francophones sont réunis autour de l’utilisation commune d’une même langue, leurs attentes en matière de relations internationales sont particulièrement fortes ; partout réapparaît l'idée d'influence, le besoin de structurer les rapports entre nationset d'ordonner un monde décidément un peu désordonné. De plus, le poids économique des pays francophones a une tendance croissante et leurs politiques révèlent en plus une tendance à la décentralisation. De tels objectifs communs entre les pays francophones les conduisent à réfléchir sur l’établissement de relations mutuelles entre la France et les pays francophones.Enfin,malgré les rencontres croissantes et de genres divers au sein de la francophonie,comme la Journée internationale de la Francophonie au Canada,il existe une incohérence culturelle qui incite à réfléchir sur des questions telles que le risque d’apparition d’un néocolonialisme et la place inférieure des écrivains francophones hors de la France.
Les contributions pourront s’organiser autour des problématiques suivantes sur la société contemporaine de la francophonie, dans les perspectives linguistique, sociale, culturelle et littéraire.
Quelles sont les valeurs, communes et différentes, des pays francophones ? Comment les différents contextes culturels et historiques influencent-ils la société des pays francophones ? Comment préserver une diversité culturelle tout en promouvant la langue et la culture française ? Comment évoluent les relations entre la France et les autres pays francophones, surtout les anciennes colonies françaises ? Comment répondre aux défis auxquels fait face la francophonie dans différents domaines ?
Sous-problématiques sous trois axes :
Sous la perspective linguistique :
Quelle est la place actuelle occupée par la langue française dans certains pays ou régions francophones ?
Quelle est l’influence de l’anglais sur le français dans certains pays ou régions francophones ?
Quelle est la condition actuelle des variations du français ?
Quelle est la condition actuelle de la transmission du français dans certains pays ou régions francophones ? Et celle d’autres langues?
Quel rôle joue le multilinguisme sur le plan social, culturel ou politique dans les pays francophones ?
Comment se développe l’enseignement des langues dans certains pays ou régions francophones ?
Sous la perspective politique, sociale et économique :
Quel rôle joue la langue française dans la coopération politique, culturelle ou économique entre les pays francophones ?
Quelle est la condition actuelle des liens économiques, diplomatiques, culturels ou politiques entre les pays francophones ?
Dans la communauté francophone, quels problèmes sociaux sont créés par la langue ?
Comment la langue française influence les relations diplomatiques des pays francophones ?
Dans quels domaines existent des distinctions entre les pays francophones ?
Quelle(s) politique(s) extérieure(s) adopte(nt) certain(s) pays francophone(s) ? Quelles sont les facteurs et les caractéristiques ?
Quel(s) problème(s) politique (s), social(aux) et économique(s) affronte(nt) certain(s) pays francophone(s) ?
Sous la perspective littéraire et culturelle :
Comment se développent les différents courants et genres des littératures de langue française dans les pays francophones ?
Comment les œuvres francophones préservent-elles la diversité culturelle ? Comment comprendre l’identité nationale des écrivains francophones ?
Par rapport à la littérature dans d’autres contextes culturels, quelles sont les caractéristiques distinctes et régionales de la littérature francophone ? Comment expliquer les rapports entre littérature et société ?
Quel rôle joue le cinéma dans le divertissement du peuple des pays francophones ? Y a-t-il des points communs entre les films populaires dans les différents pays ?
Comment améliorer la qualité de la traduction en respectant les diverses cultures francophones ?
Comment favoriser les échanges culturels au sein des pays francophones ?
Disciplines concernées :
Linguistique, littérature, didactique, économie, science politique, culture
Modalités de soumission :
Les propositions sont individuelles ou collectives.
Les propositions de 300 mots au maximum doivent être envoyées exclusivement à shisu_master2019@163.com avant le 22 avril 2020.
Chaque proposition doit comprendre un titre, le nom du ou des intervenants et leur affiliation, 3-5 mots-clés, une adresse mail. Nous acceptons les propositions en français.
Modalités de communication :
La durée prévue des communications est de 20 minutes (plus 10 minutes de discussion)
Publication des Actes
Le protocole de rédaction pour la publication des actes sera envoyé ultérieurement aux participants après l’acceptation des propositions de communication. Les participants doivent envoyer le texte (d’une longueur entre 7000 et 14,000 signes, espaces comprises, soit entre 3 et 6 pages environ) pour la première version le même jour que la communication orale. La publication des actes se déroulera le 20 août 2020.
Dates importantes :
Date limite pour l’envoi des soumissions : 22 avril 2020
Notification d’acceptation aux auteurs : à partir du 29 avril 2020
Journée d’études à SISU, Shanghai : Mercredi 27 mai et jeudi 28 mai
Publication des actes : 20 août 2020
Comité d’organisation :
Département de français, SISU
Comité scientifique
Julien GUILLEMET : professeur du département de français, SISU
Marina QU : département de français, SISU
Élodie YU : département de français, SISU
Béatrice XIA : département de français, SISU
Emma HU : département de français, SISU
Céline HUO : département de français, SISU
Clément ZHENG : département de français, SISU
Laurence TU : département de français, SISU
Louise ZHAO : département de français, SISU
Vivienne ZHU : département de français, SISU
Aveline HU : département de français, SISU
TAN : département de français, SISU
Lieux
1550, Rue de Wenxiang, Songjiang, Shanghai, Chine
Mots-clés
Chine, France
Contacts
Email : shisu_master2019@163.com
Journées d’Études 2020
Université des Études internationales de Shanghai
Classe Master I 2019-2020 Cours d’écriture sur objectifs universitaires
La société contemporaine des pays francophones : la langue et la culture
Mercredi 3, mercredi 10 et mercredi 17 juin 2020
SISU, Département de français
En ligne
Programme
Date : Mercredi 3 juin 2020
Heure : 14h50-17h00
Plateforme : BlackBoard Classin
Accueil des participants et discours d’ouverture : 14h50-15h00
GUILLEMET Julien (SISU) : professeur en charge du cours d’écriture sur objectifs universitaires
XIA Béatrice : représentante de la classe de la première année de Master
HU Aveline et YU Elodie: membres du comité scientifique et d’organisation du colloque
Axe 1 : perspective linguistique
Modératrice : TAN Qianqian
15h00-15h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
HUO Céline (SISU) : « Vers un néocolonialisme linguistique et éducatif sur le continent africain »
15h30-16h00 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
QU Marina (SISU) : « Le français au Québec : le défi en face de l’anglais »
16h00-16h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
ZHAO Louise (SISU) : « La place du français en Belgique : la politique et la vie civile »
16h30-17h00 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
HU Emma (SISU) : « Analyse de l'influence de la politique linguistique belge sur la vie politique »
Date : Mercredi 10 juin 2020
Heure : 14h50-17h00
Plateforme : BlackBoard Classin
Axe 2 : perspective politique, sociale et économique
Modératrice : HUO Céline
15h00-15h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
HU Aveline (SISU) : « Pression de la société française issue de la réforme des retraites 2020 »
15h30-16h00 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
ZHENG Clément (SISU) : « Études sur les ONG dans la gestion des camps de réfugiés « Jungle » à Calais »
16h00-16h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
ZHU Vivienne (SISU) : « Étude sur les motivations de la France pour la promotion des politiques industrielles »
16h30-17h00 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
TAN Qianqian (SISU) : « L’évolution de la politique étrangère de la France envers ses anciennes colonies africaines sous l’influence de la Chine »
Date : Mercredi 17 juin 2020
Heure : 14h50-17h00
Plateforme : BlackBoard Classin
Axe 3 : perspective littéraire et culturelle
Modérateur : ZHENG Clément
15h00-15h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
YU Elodie (SISU) : « Désir et désespoir : l’identité nationale québécoise dans Prochain Épisode »
15h30-16h00 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
XIA Béatrice (SISU) : « Le développement révolutionnaire et les caractéristiques esthétiques de la littérature française au 21e siècle »
16h00-16h30 (20 minutes de communication, 10 minutes de questions) :
TU Laurence (SISU) : « La traduction en anglais de la littérature francophone dans l’espace francophone : stratégies et pratiques pour la diversité culturelle »
Le français au Québec : les défis en face de l’anglais
Marina QU
Résumé
Le Québec, en raison de son histoire et de sa localisation géographique particulière, se caractérise par le multilinguisme avec le français comme la langue prédominante et l’anglais comme une langue importante. Malgré les efforts du gouvernement québécois, face à l’anglais, le statut de la langue française constitue une préoccupation permanente. Cet article analyse les défis lancés par l’anglais sous trois angles. À travers l’examen de la faiblesse de la Charte de la langue française en face des lois fédérales, l’auteure met en évidence l’importance de cette charte et les modifications qui régissent l’éducation en anglais. Puis, l’accent est mis sur l’immigration qui influence le rapport démolinguistique typique et son avenir pour la société québécoise. Enfin, on pointe les défis du français qui viennent aussi des échanges internationaux dans lesquels l’anglais est la langue plus utilisée.
Mots-clés : français, anglais, Québec, défi
Introduction
Les Français ont débarqués au Québec en 1608. Dès lors, la langue française s’y est implantée. Mais depuis l’arrivée des Anglais au ⅩⅧe siècle, le Québec a été sous la domination du Royaume-Uni et une série de politiques d’anglicisation a été mise en œuvre. Les débats sur la langue prédominante du Québec attirent toujours l’attention des québécois d’origines française et anglaise.
Vers la fin des années 1950, la Révolution tranquille1 a eu lieu au Québec. Les gouvernements québécois successifs adoptent des lois et établissent des organismes qui sont favorables à la langue française. Il est prouvé que ces mesures sont utiles, le français a regagné son statut dans tous les milieux. Actuellement, le Québec est connu pour être la seule province unilingue française du Canada. Au recensement de 2016, cette province comptait plus de huit millions d’habitants dont 78,9% avait le français comme langue maternelle2.
En dépit du statut prédominant et des progrès accomplis depuis plus de 40 ans, la situation de la langue française n’est pas optimiste en face de l’anglais, parce que le poids des Québécois ayant le français comme première langue parlée a connu une baisse. Dans l’ensemble du Québec, il a diminué entre 2006 (84,2%) et 2016 (83,7%), alors que le poids des personnes utilisant seulement l’anglais a augmenté de 11,9% à 12,0%. Ce qui mérite aussi l’attention est que le poids d’une autre langue a augmenté (de 2,9% à 3,5%)3. Cela signifie que plus de Québécois ont choisi d’apprendre l’anglais au lieu du français et que la langue française est en face des défis lancés par l’anglais.
Comme la prédominance du français est principalement due à la Charte de la langue française, ce présent travail analysera tout d’abord les défis sous l’angle de la faiblesse de cette charte. Puis, étant donné la fécondité faible de la population québécoise, l’immigration internationale est aussi un élément important à prendre en compte dans l’analyse. Enfin, cet article met en évidence les échanges internationaux qui contribuent à la vulgarisation de l’anglais.
La faiblesse dela Charte de la langue française
Ayant pour objectif de « faire du français la langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires »4, « la pierre angulaire de l’édifice d’un Québec français »5, la Charte de la langue française (dorénavant la loi 101) est adoptée en 1977. La loi 101 empêche le bilinguisme anglais-français du Québec en instituant le français comme langue officielle unique à tous les Québécois, quelle que soit leur origine. En même temps, cette loi garantit le droit des francophones à une éducation dans leur langue, à se faire servir par le gouvernement en français et à pouvoir travailler en français. Cependant, il existe un écart entre l’effet réel de la loi 101 et ce qu’attendait le gouvernement péquiste de René Lévesque6.
En tant que province de Canada, les lois québécoises se doivent d’être conformes aux lois fédérales. En conséquence, l’efficacité de la loi 101 est dans une certaine mesure limitée. En 1982, la Charte canadienne des droits et libertés (dorénavant la Charte)7 est entrée en vigueur, et tout article qui porterait atteinte aux droits individuels sous la protection de la Charte doit pouvoir se justifier dans le cadre d’une société à la fois libre et démocratique. Selon l’article 16 de la Charte, le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada, ils ont un statut et des droits et privilèges égaux8,mais comme le français prédomine au Québec, les contestations visant à invalider certains articles de la loi 101 progressent sans cesse depuis sa mise en œuvre.
L’article 23 de la Charte9 a rendu l’article 73 de la loi 10110 anticonstitutionnel, parce que le premier reconnaît le droit des Canadiens de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone. Cela signifie que les parents dont les enfants ont fréquenté une école primaire de langue anglaise ailleurs au Canada, ils ont le droit d’inscrire leurs enfants dans des écoles où l’enseignement est donné en anglais. Par ailleurs, en 2010, le gouvernement du Québec a adopté la loi 10311 qui permet aux enfants non anglophones ayant été scolarisés dans une école privée non subventionnée d’accéder à l’école anglaise. Les deux modifications ouvrent aux enfants québécois les portes des écoles anglophones presque fermées en 1977.
L’immigration
La décroissance de la natalité est un problème démographique qui s’impose depuis longtemps au Québec. Pour contrer les effets négatifs de cette tendance, le Québec attache de l’importance à l’immigration et les personnes issues de l’immigration représentent une portion importante de la population du Québec : 14% en 201612. On peut donc dire que le choix de la langue des immigrés a une influence sur le rapport linguistique du Québec. Ce phénomène annonce le défi lancé par l’anglais à la langue française malgré toutes les méthodes de sélection des immigrants pour protéger la prédominance du français13.
Au recensement de la population de 2016, le pourcentage des immigrants ayant l’anglais comme langue maternelle a connu une croissance, de 4,9% (2001-2010) à 5,1% (2011-2016) après une baisse continue, de 13,8% (avant 1981) à 4,9% (2001-2010)14. Le taux d’accroissement est donc de 0,2%. Cette croissance infime n’est peut-être pas notable par elle-même, mais une autre tendance inquiétante est formée par d’autres croissances à première vue insignifiantes. En effet, de 2013 à 2018, le taux des personnes immigrantes admises qui connaissent seulement l’anglais a augmenté de 14,2% à 29,8%15, tandis que le pourcentage de francophones uniquement, après une remontée de 25.2% en 2013 à 28,1% en 201416, baisse continuellement depuis. Cette tendance signifie que de plus en plus de nouveaux arrivants connaissent l’anglais alors que de moins en moins d’immigrants connaissent le français.
À part l’accroissement des immigrants anglophones, l’attention doit être prêtée à l’attitude des nouveaux arrivants. Comme l’indique Chiara Molinari : « Les immigrés apprennent plus volontiers l’anglais, celui-ci étant perçu comme un capital linguistique plus rentable que le français. »17 Cette préférence est plutôt pour la raison économique. Selon Hélène Cajolet-Laganière et Pierre Martel, « […] la connaissance de l’anglais devient le symbole de la supériorité, l’assurance du succès. »18 En concurrence avec les immigrants anglophones, il est probable que les immigrants francophones et les allophones suivent ou qu’ils font leurs descendants suivre une éducation en anglais. Cette tendance peut à long terme faire du mal à la francisation des immigrants et à l’attitude envers la langue utilisée par des immigrants qui parlent d’autres langues.
Les échanges internationaux
Aujourd’hui, les échanges internationaux font de l’anglais la première langue de communication internationale dans tous les milieux tels que le commerce, l’information et les sciences. Tous les pays impliqués dans la mondialisation se trouvent plus ou moins contraints d’avoir recours à cette langue mondiale et cela exerce certainement une influence sur leur langue nationale. Au Québec comme dans les autres parties de la francophonie, le français est de moins en moins utilisé exclusivement, alors que l’anglais est de plus en plus utilisé dans les échanges internationaux.
À l’époque de la mondialisation, il semble que cette « concurrence » entre le français et l’anglais soit incontournable. Pour l’expansion de leurs marchés à l’échelle planétaire, les entreprises québécoises doivent chercher de nouveaux marchés pour les échanges de produits et services. En même temps, le marché intérieur a besoin des investissements des groupes internationaux. Le Québec est donc obligé de recourir à l’anglais pour commencer et maintenir les relations commerciales. Tout cela apporte une tendance renforcée à la vulgarisation de l’anglais.
De 2006 à 2016, on peut observer dans les 10 secteurs19 souvent orientés vers les marchés extérieurs, une baisse concomitante de l’utilisation prédominante du français et une croissance notable d’utilisation du français et de l’anglais à égalité20. Cette égalité n’est pas favorable au français du côté du choix linguistique. Par rapport aux travailleurs québécois qui travaillent hors Québec en anglais, ceux qui restent au Québec ont un impact plus évident sur le choix de la langue de travail, qui, à son tour, a une influence majeure sur l’orientation linguistique. Dans une telle conjoncture, Michel Pagé et Patricia Lamarre remarquent que « une loi ne peut pas contrer la prédominance de l’anglais »21. Ainsi, les articles de la loi 101 qui désignent le français comme langue de travail sont menacés par ces changements du milieu de travail.
Conclusion
En examinant la loi 101, l’immigration et les échanges internationaux, on trouve que la langue française affronte le danger d’être moins prédominante à cause de la vulgarisation de l’anglais à l’échelle québécoise et internationale, quoique cette tendance se fasse d’une manière discrète. Face aux défis de l’anglais, des efforts pour maintenir le statut du français avec la loi 101 sont bien sûr indispensables. Comme le soutiennent Michel Plourde et les autres experts : « Ce statut permet de généraliser l’usage et l’utilité de la langue »22. La généralisation fera du français une langue plus internationale et cela est la solution durable aux défis de l’anglais. Cela nécessiterait une coopération renouvelée avec les autres parties de la francophonie. Par exemple, établir des partenariats dans le monde francophone qui favorisent le développement de la francophonie et cela contribuera à la vulgarisation du français.
Bibliographie
CAJOLET-LAGANIÈRE, Hélène et MARTEL, Pierre, La qualité de la langue au Québec, Québec, Institut Québécois de Recherche sur la Culture, 1995.
Direction de la recherche et de la statistique du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2009-2013 Tableaux de l’immigration permanente au Québec, 2014 ; 2014-2018 Tableaux de l’immigration permanente au Québec, 2019.
HOULE, René et CORBEIL, Jean-Pierre, Utilisation du français et de l’anglais au travail au Québec 2016, Statistique Canada, 2019.
La Charte de la langue française, 2020.
MOLINARI, Chiara, « Anglais et français au Québec : d'une relation conflictuelle à une interaction pacifique ? », Éla. Études de linguistique appliquée, 2008/1, n° 149, pp. 93-106.
Office québécoise de la langue française, Synthèse du rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec.
PAGÉ, Michel et LAMARRE, Patricia, « L’intégration linguistique des immigrants au Québec », Étude IRPP, n°3 février 2010.
PLOURDE, Michel, GEORGEAULT, Pierre (dir.), Le français au Québec, 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides, 2008.
STEFANESCU, Alexandre, GEORGEAULT, Pierre (dir.), Le français au Québec, les nouveaux défis, Montréal, Fides, 2005.
Sitographie
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revolution-tranquille
https://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/sociolinguistique/index.html
http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/651-charte-de-la-langue-francaise
Bio-bibliographique
QU Yanzhen, étudiante-chercheuse en M1 du département de français à l’Université des Études internationales de Shanghai sous la direction du professeur CAO Deming. Son orientation de recherche est la linguistique française. Contact : marinaqu@126.com.
Étude sur les motivations de la France pour la promotion des politiques industrielles au sein de l’UE
Vivienne ZHU
Résumé
Le ⅩⅪe siècle est une époque où une nouvelle révolution industrielle est en marche. Après l’échec du mariage entre Alstom et Siemens, la France cherche à lancer diverses politiques industrielles avec d’autres États membres de l’UE. Cette recherche est consacrée à une meilleure compréhension des politiques industrielles européennes promues par la France et à une étude sur ses motivations pour les mesures envisagées.
La recherche est basée sur l’analyse de diverses documentations. Avec les informations issues des journaux et des communiqués français, on traite profondément des politiques industrielles lancées par la France. À l’aide du Rapport 2020 du commerce extérieur de la France et de la Politique de concurrence et politique industrielle, on arrive à conclure que les deux motivations principales de la France pour ses politiques sont : la compétitivité faible de certains secteurs français et européens, ainsi que la rigidité et l’inadaptation du droit européen de la concurrence.
Mots-clés : politique industrielle, champion européen, droit européen de la concurrence, France, UE
Introduction
Depuis les dernières années, la France reconnaît de plus en plus son affaiblissement en tant que puissance économique, en particulier dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, l’informatique et l’électronique. Surtout après l’échec de la fusion Alstom-Siemens23, la France considère nécessaire de promouvoir la mise en place de plus de politiques industrielles au sein de l’UE. Cette recherche consiste à traiter en détail des politiques industrielles promues par la France et à analyser ses motivations principales.
Cet article se compose de deux parties. La première partie présente les politiques industrielles lancées au sein de l’UE par la France, en traitant tout d’abord le déclencheur, c’est-à-dire, l’affaire de la fusion Alstom-Siemens. Dans cette partie, une politique industrielle est introduite en détail pour faire mieux comprendre ce qu’est la politique industrielle. La deuxième partie consiste à analyser, à l’aide de diverses données, les motivations principales de la France pour ces mesures. Deux facteurs sont disséqués dans cette recherche : la compétitivité faible de certains secteurs français et européens, ainsi que la rigidité et l’inadaptation du droit européen de la concurrence.
La promotion par la France des politiques industrielles au sein de l’UE
Les politiques industrielles lancées par la France après l’échec de la fusion Alstom-Siemens
Après de longs mois de négociations, la fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens a été refusée par la Commission européenne le 6 février 2019. D’après Margrethe Vestager, la commissaire à la Concurrence de la Commission européenne, « Celui-ci aurait étouffé toute compétition sur le marché intérieur dans le domaine de la signalisation ferroviaire ».24 Pourtant, cette décision a soulevé le tollé, surtout dans le monde politique et économique en France et en Allemagne. Le premier ministre Edouard Philippe a critiqué que c’était une fausse décision et Angela Merkel, chancelière allemande, a douté que ce genre de règles puisse faire de vrais concurrents mondiaux.
En effet, l’échec de la fusion Alstom-Siemens est un déclencheur après lequel la France reconnaît de plus en plus la nécessité de promouvoir davantage de politiques industrielles en France et au sein de l’UE dans le but d’affronter la compétition de la Chine et des États-Unis. Le 19 février 2019, la France a signé avec l’Allemagne le Manifeste franco-allemand pour une politique industrielle européenne adaptée au ⅩⅪe siècle.25 Bruno Le Maire, ministre français de l’Économie et des Finances, a également préconisé l’application de nouvelles politiques industrielles au sein de l’UE dans son dernier ouvrage le Nouvel Empire : l’Europe du vingt et unième siècle, publié en avril 2019. D’après lui, il est nécessaire de promouvoir une politique industrielle européenne dans des domaines tels que l’intelligence artificielle, le ferroviaire, la construction navale, les équipements de défense, le numérique ou les énergies renouvelables.26 En avril 2019, la France et l’Allemagne ont soumis un projet sur la création d'un consortium de production de cellules de batteries électriques. En effet, c’est leur première application du Manifeste, leur premier pas pour la mise en œuvre d’une nouvelle politique industrielle commune. Le 4 juillet de la même année, un nouveau manifeste commun, au nom de Modernising EU competition policy27, a vu le jour. Il a été signé par les ministres de l’Économie de la France, de l’Allemagne et de la Pologne, dans le but de moderniser les règles européennes de la concurrence en y ajoutant plus de politiques industrielles.
Premier acte : la création d’un « Airbus des batteries »
Comme on a mentionné au-dessus, la France, avec l’Allemagne, a lancé un projet sur la mise en place d'un consortium de production de cellules de batteries électriques. La Tribune (avec Reuters) indique :
Près d'un demi-siècle après la création du géant européen de l'aéronautique Airbus, la France et l'Allemagne ont officialisé mardi le lancement d'une nouvelle politique industrielle volontariste censée aider les entreprises européennes à résister à la concurrence internationale.28
Ce qui mérite une mention, c’est que la Commission européenne a donné son feu vert à ce projet le 9 décembre 2019.29 Dix-sept grandes entreprises et PME européennes vont ainsi bénéficier d'aides publiques pour créer une filière européenne des véhicules électriques. Selon l’Usine nouvelle, parmi les sociétés figurent « les deux groupes français PSA et Saft, le constructeur allemand BMW, les groupes de chimie BASF et Solvay, ainsi que le spécialiste belge de production de métaux Umicore ».30 3,2 milliards d'euros de fonds ont été consacrés par sept États membres (la France, l’Allemagne, la Pologne, l’Italie, la Belgique, la Suède et la Finlande).
À travers ces politiques industrielles, on peut découvrir l’attitude ferme de la France. Dans ces politiques et manifestes, la France joue toujours un rôle de premier plan. Elle se consacre à promouvoir la mise en place de plus de politiques industrielles au sein de l’Union. Pourtant, quelles sont les facteurs qui expliquent la détermination et l’attitude ferme de la France ? Cela mérite réflexion.
Les motivations de la France pour la promotion des politiques industrielles
La compétitivité faible de certains secteurs français et européens
Dans de grands secteurs français tels que l’automobile, les biens d’équipement, le textile, l’informatique et l’électronique, on peut découvrir un déficit élevé et continuel. Selon le Rapport annuel (2020) du commerce extérieur de la France, le solde du secteur automobile français est devenu déficitaire et se dégrade presque continuellement depuis 2008.31 Sur le plan des échanges mondiaux, la France était le septième exportateur mondial de biens et le quatrième exportateur mondial de services en 2018. Alors que sa part de marché dans le commerce mondial reste globalement stable depuis 2012, soit 3,5% sur les biens et services, elle s’est réduite considérablement par rapport aux années 1990 (6,3% en 1990). Si l’on compare la part de marché du commerce mondial de la Chine, des États-Unis et des principaux États membres de l’UE, c’est évident que la Chine a vu sa part de marché progresser fortement (de 2% en 1995 à 10,5% en 2017), celle des États-Unis fluctuait entre environ 10% et 14%, tandis que celle de la plupart des grandes économies avancées (la France, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Unis, etc.) reculait continuellement.32
D’ailleurs, il faut noter que l’Europe reste le principal débouché des exportations françaises : elle a occupé 59% des échanges de la France en 2018. L’Allemagne (17%), l’Espagne (8,9%), l’Italie (8,8%), le Royaume-Unis (7%) et la Belgique (6,8%) ont concentré près de la moitié (45%) des exportations françaises, d’après les données de 2016.
Sur le plan européen, l’UE a également montré sa faiblesse. En réalité, elle reste dépendante de technologies produites en Chine ou aux Etats-Unis, surtout dans certains secteurs stratégiques comme le numérique. Bruno Le Maire indique dans son ouvrage :
Pour les entreprises valorisées à plus d’un milliard de dollars, les États-Unis et la Chine se taillent la part du lion et nous nous partageons les miettes. Depuis Airbus, nous avons été en mal de faire émerger de nouveaux champions industriels de taille mondiale.33
Par exemple, actuellement 97 % des cellules composant les batteries lithium-ion des véhicules électriques sont fabriquées en Chine. En comparaison, l'Europe représente seulement 1 % de la production mondiale, selon le cabinet de conseil BCG34.
Dans ce contexte, il est nécessaire que la France accroisse sa compétitivité pour renforcer sa puissance économique et affronter la concurrence internationale. Bien sûr, tout cela exige l’alliance de la France avec d’autres États membres de l’UE. À travers la mise en pratique de politiques industrielles au sein de l’Union, la France pourra réaliser sa modernisation des secteurs importants. En même temps, ce sera une stratégie essentielle pour l’UE de renforcer son statut économique dans le monde entier. Il faut que l’Union s’unisse en créant des champions européens pour résister à la concurrence internationale.35
La rigidité et l’inadaptation du droit européen de la concurrence
L’objectif du droit européen de la concurrence consiste à ce que la concurrence au sein du marché européen soit libre et non faussée. En réalité, le droit de la concurrence est plutôt une forme de régulation économique « qui repose sur une intervention des États dans les relations entre les entreprises, pour encourager ou réprimer les ententes (accords entre deux entreprises indépendantes), les abus de position dominante et les concentrations (ou fusions) »36. Il se concentre sur le marché européen comme le seul marché pertinent. Pourtant, il faut noter que, d’une part, le droit actuel de la concurrence est confronté aux défis soulevés par l’économie numérique (surtout la puissance des GAFA37), et que d’autre part, il ne prend pas suffisamment en compte la concurrence issue des pays tiers qui ne respectent pas les mêmes règles de concurrence. Naturellement, ce droit de la concurrence englobant et exigeant limite l’action des entreprises européennes confrontées à celle de groupes étrangers qui ne se soumettent pas à de telles limitations. Il empêche la création de champions européens puissants et pose l’UE dans une position défavorable sur la scène internationale de la concurrence.
On peut noter qu’aux États-Unis, il existe beaucoup de cas de concentration des entreprises dans divers secteurs. En effet, peu de concentrations ont été refusées et ainsi sont nées de nombreuses grandes entreprises. Quant à l’Europe, la fusion des entreprises est relativement restreinte, ce qui limite la création de champions européens. D’après les données de PwC38, en 2019, il y avait seulement 23 entreprises européennes parmi les 100 plus grandes entreprises mondiales, contre 30 en 2014. Alors que 54 étaient américaines contre 47 en 2014 et 12 étaient chinoises, contre 7 en 2014.
Aux yeux de la France, tout cela indique que le droit européen de la concurrence devient aujourd’hui trop rigide et voire inadapté. Il est temps d’obtenir un rééquilibrage entre politique de concurrence et politique industrielle. En réalité, depuis longtemps, d’après la primauté du droit de la concurrence, une politique industrielle européenne est toujours subordonnée à la politique de concurrence. Ce déséquilibre entre les deux s’est aussi manifesté dans l’affaire Alstom/Siemens. C’est en effet un choix entre : d’une part la permission de la création d’un champion ferroviaire qui serait capable de concurrencer le géant chinois CRRC sur les marchés mondiaux ; ou, d’autre part, la protection des consommateurs européens en évitant une concurrence faussée dans le domaine ferroviaire.
En réalité, après l’échec de la fusion Alstom/Siemens, la France cherche toujours à promouvoir une réforme du droit européen actuel de la concurrence avec quelques autres pays européens, surtout l’Allemagne. Par exemple, la France et l’Allemagne ont signé le 19 février 2019 un manifeste commun, comme mentionné au-dessus, en croyant que les « règles existantes doivent être révisées pour pouvoir prendre en compte les enjeux de politique industrielle afin de permettre aux entreprises européennes d’être concurrentielles sur la scène mondiale ».39 De plus, les deux « pilotes », avec la Pologne et l’Italie, ont signé une lettre qui consiste à demander à la Commission européenne d’envisager la modernisation des règles sur les concentrations et qui montre leur souhait d’assouplir la politique de concurrence. De toute façon, on peut conclure, selon les tentatives de la France, que la France croit qu’il faut ajouter plus de politiques industrielles au droit européen de la concurrence pour les rééquilibrer. Ainsi, l’Europe pourrait créer plus de champions européens pour renforcer sa puissance de concurrence sur la scène internationale et prendre le train en marche de la nouvelle révolution industrielle.
Conclusion
Bruno Le Maire décrit ainsi dans son ouvrage l’état de l’Union : « croissance faible, déséquilibres importants et compétition exacerbée entre les différentes nations, incapacité à faire émerger de grands champions industriels ou numériques, absence de solidarité européenne ».40 Pour la France, le lancement de politiques industrielles au sein de l’Union non seulement favorise la compétitivité française mais aussi constitue une opportunité essentielle pour l’Europe pour réformer le droit européen de la concurrence dépassé et renforcer sa puissance de concurrence.
Pourtant, il faut noter que les politiques industrielles ne vont pas comme sur des roulettes. Leur obstacle le plus grand réside dans le droit actuel de la concurrence rigide. En réalité, depuis le rejet de la fusion Alstom/Siemens, la réforme du droit actuel de la concurrence devient le point essentiel de la discussion. Diverses idées de réforme sur le droit de concurrence sont déjà proposées par des experts. Dans un rapport publié le 20 janvier 2020, qui est écrit par trois experts français (Bruno Deffains, Olivier d’Ormesson et Thomas Perroud), quatre propositions ont été faites. Par exemple, il propose « une modification du règlement ‘Concentration’ pour mieux rendre en compte les gains d’efficience, et un rééquilibrage entre politique de concurrence et politique industrielle »41. Bien sûr, il existe aussi de nombreuses voix opposantes. Beaucoup craignent que le droit ne perde de sa neutralité et que l’indépendance de la Commission ne soit plus garantie. Aux yeux des détracteurs, « une telle politisation profiterait uniquement aux plus grands États membres, et affaiblirait toute politique industrielle européenne »42.
En ce qui concerne la nouvelle Commission, en décembre 2019, elle a annoncé son intention de revoir les règles de la concurrence européenne. Pourtant, il est cru qu’aucune disposition législative ne verrait pas le jour avant 2021.43 Toutefois, au moins, la France est en train de s’efforcer de s’adapter aux bouleversements technologiques en cours.
Bibliographie
Ouvrages :
[1] DEFFAINS, Bruno, D’ORMESSON, Olivier et PERROUD, Thomas, Politique de concurrence et politique industrielle : pour une réforme du droit européen, Paris, Fondation Robert Schuman, 2020.
[2] LE MAIRE, Bruno, Le Nouvel Empire : l’Europe du vingt et unième siècle, Paris, Gallimard, 2019.
Articles :
[3] DANIEL, Justine, « Champions européens : la fusion avortée d'Alstom et Siemens relance le débat sur la concurrence », Toute l’Europe.eu, publié le 13 février 2019. Site Internet : https://www.touteleurope.eu/actualite/champions-europeens-la-fusion-avortee-d-alstom-et-siemens-relance-le-debat-sur-la-concurrence.html.
[4] DEFFAINS, Bruno, D’ORMESSON, Olivier et PERROUD, Thomas, « Politique de concurrence et politique industrielle : pour une réforme du droit européen », Question d’Europe, n° 543, Paris, Fondation Robert Schuman, 2020.
[5] HOUZEL, Timothée, « Une révision du droit européen de la concurrence sous pression », Politique européenne, publié le 28 mars 2020. Site Internet : https://www.taurillon.org/une-revision-du-droit-europeen-de-la-concurrence-sous-pression?lang=fr.
[6] LIESSE, Dominique, « L'"Airbus des batteries" pourra être subsidié par les États », L’Echo, publié le 9 décembre 2019. Site Internet : https://www.lecho.be/entreprises/auto/L-Airbus-des-batteries-pourra-etre-subsidie-par-les-Etats/10189297.
[7] REUTERS, « Industrie du futur : France et Allemagne adoptent une stratégie européenne, du jamais-vu depuis Airbus », La Tribune, publié le 19 février 2019. Site Internet : https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/industrie-du-futur-france-et-allemagne-adoptent-une-strategie-europeenne-du-jamais-vu-depuis-airbus-808049.html.
[8] THOIN-BOUSQUIÉ, Julie, « 3,2 milliards d’euros d’aides européennes pour l'Airbus des batteries », l’Usine nouvelle, publié le 9 décembre 2019. Site Internet : https://www.usinenouvelle.com/editorial/3-2-milliards-d-euros-d-aides-europeennes-pour-l-airbus-des-batteries.N911409.
[9] TOBELEM, Boran, « Industrie : Paris et Berlin s'unissent pour créer des champions européens », Toute l’Europe.eu, publié le 20 février 2019. Site Internet : https://www.touteleurope.eu/actualite/revue-de-presse-industrie-paris-et-berlin-s-unissent-pour-creer-des-champions-europeens.html.
Communiqués et rapports :
[10] Rapport annuel (2020) du commerce extérieur de la France : Analyse des résultats 2019. Environnement international, déterminants et facteurs d’évolution, le bureau des échanges extérieurs et du risque-pays (MACRO 3) de la Direction générale du Trésor, 2020.
[11] https://cn.ambafrance.org/Feu-vert-de-la-Commission-europeenne-au-projet-europeen-sur.
[12] https://cn.ambafrance.org/Manifeste-franco-allemand-pour-une-politique-industrielle.
[13] Global Top 100 companies by market capitalization, PwC, 2018. Site Internet : https://www.pwc.com/gx/en/audit-services/assets/pdf/global-top-100-companies-2018-report.pdf.
Bio-bibliographie :
Après des études de langue française à l’Université normale de la Chine centrale, Vivienne ZHU est en master au département de français à l’Université des Études internationales de Shanghai sous la direction du professeur associé Junrui XIE. Son orientation de recherche est la culture des pays francophones. Contact : vivienne_zy0107@163.com.
FRONTIÈRE ET ORDRE : ÉTUDE SUR LES CAMPS DE RÉFUGIÉS « JUNGLE» À CALAIS
Clément ZHENG44
Résumé
Le problème des camps de réfugiés dans la région de Calais existe depuis longtemps et constituait autrefois un souci important pour les autorités françaises.En recueillant des articles de presse et des documents officiels, et en citant des études empiriques, ce travail a pour but de discuter de la formation de la « jungle » à Calais et de révéler ses caractéristiques diverses : situation fragile, morphologie urbaine et système d’autogestion assisté par la société civile. Les causes du phénomène « jungle » sont multiples : l'immigration originaire des régions troublées, les contestations des Accords du Touquet et les difficultés pour poser les demandes d’asile en France. Nous dégageons ainsi trois solutions importantes : la coopération entre Paris et les autorités locales, la coopération intergouvernementale au sein de l’UE et la mobilisation de la société civile.
Mots-clés : jungle, Calais, camp de réfugiés, frontière, société civile
INTRODUCTION
Les camps de réfugiés « Jungle » à Calais est un terme que nous voyons souvent dans les discours journalistiques durant la crise des réfugiés en Europe de 2014 à 2016. Mais en fait, ces camps ont perduré depuis plus d'une décennie. Les camps sont situés près du port de Calais dans la région Nord-Pas-de-Calais45, proches de la Manche. En 2002, le ministre de l'Intérieur de l’époque Nicolas Sarkozy a annoncé la fermeture des camps de réfugiés à Sangatte. Cependant, une nuée de réfugiés se sont rassemblés de nouveau près du port de Calais et se sont installés à l’affût dans les bois, guettant les occasions de passer la Manche pour débarquer clandestinement en Angleterre. Le nombre de réfugiés dans la « jungle » gardait une forte dynamique de croissance depuis 2015, et l'histoire des camps de réfugiés à Calais n'a pris fin que lorsque les autorités françaises les ont complètement démantelés en octobre 2016. Dans ce travail, nous révélerons l’histoire, les causes et les caractéristiques distinctives de la « Jungle » à Calais et proposerons des solutions possibles. Nous accordons une attention particulière sur son système de gestion caractérisé par la présence de la société civile propice à entretenir l’ordre dans les camps.
Histoire de la « jungle »
L’histoire des camps de réfugiés dans la région Nord-Pas-de-Calais peut remonter aux années 1990. À cette époque, le régime communiste en Europe de l'Est s'est progressivement effondré et des guerres régionales se sont ensuivies, engendrant une conjoncture instable. Certains réfugiés ont fui vers l'Europe de l’Ouest et ont établi des camps le long de la Manche. En 1999, le camp de réfugiés de Sangatte, prédécesseur de la « jungle » à Calais, a été créé près du port de Calais et géré par la Croix-Rouge française. En 2002, le gouvernement britannique a exprimé son ressentiment et protesté contre l'existence du camp de réfugiés de Sangatte en raison des immigrations illégale récurrentes. En novembre, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur à l’époque, a forcé le démantèlement du camp de Sangatte. En 2003, la France et le Royaume-Uni ont signé les Accords du Touquet. Conformément à ces protocoles, la frontière britannique s’est depuis déplacée à Calais et c’est la France qui est chargée des contrôles aux frontières tandis que le Royaume-Uni offre des aides financières.
Néanmoins, à Calais comme à Grande-Synthe, Norrent-Fontes, Steenvoorde, Bailleul, Bollezeele ou Chocques, des campements informels se sont érigés de nouveau à brève échéance depuis 2003. Les réfugiés se sont camouflés dans les bois ou derrière les talus bordant des routes. En effet, c’est dès lors que le terme « jungle » a été utilisé par des migrants iraniens et afghans pour désigner les tentes où ils habitaient abritées dans les zones boisées parce qu’en persan, le mot « Jangal » signifie « forêt ». Les médias et les volontaires venus aider les migrants ont par la suite employé le terme et l'ont popularisé. Même si les camps se sont transformés en bidonvilles qui ne se bornaient plus aux bois suite à leur élargissement, ils ont continué à porter le nom « jungle » jusqu’à ce qu’ils soient démantelés finalement.
En 2009, les camps de réfugiés à Calais ont connu de nouveau un démantèlement d’envergure sous l’égide du ministre de l’Intérieur de l’époque Eric Besson, ce qui a fait connaître ces camps clandestins au public. Les réfugiés expulsés ont été installés dans des centres d’hébergement répartis dans toute la France. Dès lors, les campements et les squats se sont faits et défaits épisodiquement aux grés des expulsions policières et les exilés ont continué à affluer vers la ville portuaire à cause des guerres régionales, créant ainsi les « news jungles ». En 2015, le centre d’accueil Jules Ferry a ouvert ses portes, signifiant l’entrée de la première ONG internationale dans les camps. L’opération d’évacuation a commencé en octobre 2016. Le 26 octobre 2016, le préfet du Nord-Pas-de-Calais Fabienne Buccio a annoncé la fermeture des « new jungles » et les réfugiés ont été appelés à rejoindre des Centres d’accueil et d’orientation répartis dans toutes les régions de France.46
Panorama de la « jungle »
En tant que « hors-lieux de l’exil »47 qui ont perduré pendant une dizaine d’années aux frontières Anglo-françaises, la « jungle » à Calais est devenue un spectacle spécifique, manifestant diverses caractéristiques singulières. En nous basant sur les documents recueillis, nous pouvons en synthétiser trois : situation fragile, morphologie urbaine et autonomie organisée.
2.1 Situation fragile
Les mauvaises conditions de vie constituent la plus grande cause d’inquiétude. Depuis longtemps, les autorités centrales et locales françaises restaient les bras croisés en face de l’excroissance de la « jungle ». En effet, elles n’ont commencé à fournir une assistance matérielle que lorsque le Conseil d’Etat a exigé, fin 2015, des aménagements de première nécessité.48 Suite à la croissance rapide de l’échelle des campements en 2016, la nourriture commençait à connaître une pénurie.
De même, le logement constitue un souci inéluctable. Au début, les réfugiés résidaient dans les lieux de relégation, dans la « jungle » et les squats. Ensuite, ils habitaient dans des cabanons et des tentes simplement aménagés par l’organisation locale « Auberge des migrants » et un groupe de charité religieux, le Secours catholique, dès janvier 2015. Cependant, les logements ne suffisaient pas vu l’envergure des nouveaux arrivants en 2016 alors que le centre d’accueil Jules Ferry ne proposait le logement qu’aux plus fragiles. En janvier 2016, les autorités locales ont démantelé bien des tentes auto-établies et les ont remplacées par des conteneurs.49 Les matériaux des logements impliquent aussi une résistance faible confrontée aux incendies. En avril 2016, un conflit sanglant a eu pour corollaire un incendie qui a détruit des dizaines de tentes.50
Les conditions hygiéniques étaient extrêmement précaires. Avec l’aide du Secours catholique, les réfugiés prenaient la douche dans les salles de bains réservées à eux dans la ville. Mais il fallait parfois six heures pour terminer l’attente dans la queue. De ce fait, les maladies infectieuses telles que la gale et la tuberculose sévissaient dans les « jungles ».51
Côté sécurité publique, des crimes et des conflits s’inscrivent dans des épisodes de vie quotidienne. Avant 2015, c’étaient les Kurdes qui contrôlaient les passagers clandestins. Néanmoins, avec l’afflux des réfugiés afghans, l’échiquier était à réécrire. Les conflits se sont déclenchés entre les « communautés de l’instant ».52 En outre, les mineurs désargentés ont été parfois exploités par l’échange de services sexuels contre la promesse d’un passage outre-Manche. Selon un rapport publié par la CNCDH, un « esclavage moderne » au sein des « jungles » s’est dessiné.53
A signaler aussi les relations tendues entre les réfugiés et d’autres groupes hors des camps. Selon les souvenirs des migrants, leurs tentatives de passage finissaient souvent par le fouet des policiers et des gardiens du port. Ils sont devenus l’objet de leur brutalité. 54Côté habitants calaisiens, l’indifférence envers les réfugiés s’est transformée en violences surtout après le crescendo des attentats terroristes entre 2014 et 2016. Les tensions ont été accompagnées de la résurgence de mobilisations nationalistes et xénophobes.55
2.2 Un « brouillon de villes »
Selon le sociologue français Michel Agier, les campements de Calais sont des « brouillons de villes ».56 Dans une interview avec Le Monde, il a déclaré que les « jungles » étaient dotées d’une morphologie urbaine, les rendant ainsi le prolongement des villes.57
Dans la société moderne, l’urbanisation est étroitement liée avec la migration humaine. Dans ce sens, les réfugiés dans les camps sont au fond des immigrés quêtant des logements et la vie idéale. Ils s’installent dans les environs des villes tout en établissant des tentes et des cabanes, prolongeant ainsi les frontières des villes. Au demeurant, la formation urbaine est un processus dynamique basé, selon Hongyan Zhang, sur les « peuplades sédentaires »58, ce qui correspond exactement au cas des « jungles » à Calais.
Dans ce bidonville, bien des infrastructures sont instituées qui véhiculaient des fonctions d’économie, de transport, de culture et de divertissement. En un mot, les « jungles » présentent une écologie urbaine vivante. Dans les campements, il y a des hôpitaux et des restaurants solidaires construits par MSF (Médecins sans Frontières), deux écoles multilingues, une bibliothèque et un cinéma. Il y a même des expositions lancées par des artistes et des photographes. Le centre d’accueil Jules Ferry disposait de toilettes publiques, et offrait des services fondamentaux tels que la distribution de nourritures, la transmission des renseignements officiels, la consultation médicale et la recharge des téléphones. A partir de novembre 2015, des routes ont été instaurées dans les camps, facilitant le transport.59 En outre, les activités commerciales sont également impressionnantes. Par exemple, certains réfugiés ont transformé leurs hangars en des petites fabriques de tabac où ils faisaient des emballages de cigarettes à l’aide de machines. En outre, des bénévoles provenant de Leeds ont ouvert un magasin où ils vendaient des vêtements pour femmes et des cosmétiques.60
A part les infrastructures et des activités de production, le tissu social constitue également une part indispensable du spectacle urbain.61 Dans les « jungles », il existait plusieurs communautés. Les individus s’associaient parfois par l’accointance culturelle, religieuse ou politique. Il y a même des quartiers nommés selon les ethnies d’origine des migrants tels que le « quartier afghan » et le « quartier soudanais ». En outre, les cérémonies et les rites tels que les mariages et les funérailles se sont déroulés dans les camps, dénotant les liens sociaux créés dans les campements.62
2.3 Le « troisième secteur » et le système d’autogestion organisé
Vu la location spécifique de la « jungle » siégeant à la charnière des frontières anglo-françaises et loin des grandes villes, une vacance du pouvoir gouvernemental s’est profilée, forgeant ainsi un système d’autogestion assisté par la société civile. Les ONG et les groupes civils ayant un caractère bénévole incarnaient donc des rôles importants dans les affaires des campements.
Aujourd’hui, la définition de la « société civile » n’est pas assez claire. Comme le souligne avec pertinence Aurélie Quentin dès 2012, dans le domaine de la gestion publique, il s’agit à la fois des bénéficiaires des politiques sociales regroupés en « communautés », des intermédiaires qui favorisent la participation du public aux activités intercommunautaires ou des différents types d’ONG assurant la maîtrise d’œuvre des projets.63 La société civile passe pour le « troisième secteur », indépendant des secteurs public et privé,qui touche avant tout les plus pauvres tombés dans l’oubli. Dans ce travail, nous considérons la société civile comme les ONG et les communautés civiles participant à la gestion des réfugiés.
Depuis que les « jungles » sont devenues visible auprès du public, plusieurs ONG locales et internationales dotées de différents caractères se sont implantées dans les camps. En nous basant sur les articles de journaux, nous avons établi un tableau permettant d’avoir un aperçu de ces ONG.
Tableau 1 Quelques ONG existant dans les « jungles » à Calais
Nom | Année d’entrée | Nature |
Médecins du Monde | 2005 | Association médicale internationale |
Terre d’Errance | 2008 | Association d’action sociale locale |
Auberge des Migrants | 2008 | Association d’action sociale locale |
Croix-Rouge française(CRF) | 2015(gestion des camps de Sangatte entre 1999 et 2002) | Association médicale française |
Médecins sans frontière(MSF) | 2015 | Association médicale internationale |
Gynécologues sans frontières | 2015 | Association médicale internationale |
La Vie active | 2015 | Association d’action sociale locale |
Utopia 56 | 2015 | Association d’action sociale locale |
Habitat et insertion | 2015 | Association d’action sociale locale |
Secours catholique | 2015 | Association d’action sociale internationale ayant un caractère religieux |
Secours Islamique France | 2015 | Association d’action sociale française ayant un caractère religieux |
A travers ce tableau, nous pouvons constater que les ONG dans les « jungles » diffèrent l’une de l’autre en nature. Il en va de même pour leurs fonctions véritables dans l’arrangement des affaires des camps. Par exemple, Médecins du Monde qui est entré dans les camps depuis 2005 a lancé une mission « Migrants Littoral Nord-Pas-de-Calais » pour fournir des secours médicaux. L’association Médecins sans frontières a quant à elle participé à la création d’une clinique à proximité du Centre Jules Ferry et du Service d’accueil et d’aide aux personnes migrantes à Calais.64 Autre exemple, l’association Secours catholique s’est consacrée à construire des cabanes pour aider les nouveaux arrivants à y résider.
A part les ONG, les militants bénévoles et les groupes civils étaient également des acteurs importants dans l’écosystème des « jungles ». Par exemple, la construction des cabanes en bois a d’abord été prise en main par un groupe de citoyens calaisiens et ils ont même rallié les habitants voisins par des réseaux familiaux, amicaux ou paroissiaux pour apporter le soutien aux migrants.65 Certains avocats bénévoles de Calais ont aussi formé un groupe « Cabane juridique » en vue de faire respecter le droit des migrants.66 Les bénévoles travaillant dans les camps proviennent de Calais, de Paris ou même de l’outre-Manche et la plupart du travail militant est consacré à l’aide de première nécessité.67
L’ordre au sein des « jungles » était maintenu, dans une large mesure, par ces ONG et des groupes civils relevant de la société civile. Ils ont même inventé un système décisionnel pour mieux gérer les affaires et prendre des initiatives. Ainsi, chaque lundi, sous la grande tente du Coordination Office, les réfugiés ont pu échanger avec les représentants des associations pour faire remonter les besoins de leur communauté. Ces informations du lundi étaient ensuite retravaillées par une assemblée des associations chaque mercredi après-midi. Cette réunion a été de facto, comme le souligne Maryline Baumard, un « conseil des ministres » puisque c’était plus des associations que des personnes qui y étaient représentées.68 Ce conseil des associations et des bénévoles était géré par la Plateforme des services aux migrants regroupant 24 associations agissant sur tout le littoral.
Dans le contexte de l’élargissement des « jungles », la relation entre la société civile et le pouvoir gouvernemental s’inscrivait dans un dualisme où la coopération et la compétition coexistaient. D’une part, pour réaliser quelques grands projets au profit des migrants, la coopération s’avérait nécessaire. Par exemple, l’association sociale Habit et insertion a coopéré avec la Direction départementale de la cohésion sociale pour travailler à l’accompagnement social et sanitaire des migrants.69 D’autre part, la concurrence entre le secteur civilet les autorités locales n’a cessé de causer des conflits. Par exemple, en 2016, les conteneurs ont été installés sous l’égide des autorités françaises en vue de remplacer les cabanes construites par les ONG, d’où des manifestations et des clashs.70
A signaler aussi que des concurrences et des conflits existaient également à l’intérieur de la société civile. Tout d’abord, il s’agit des divergences entre les associations « caritatives » et celles plus « contestataires » en matière du mode d’ingérence. Pour les premières, les actions humanitaires et caritatives s’avèrent prédominantes dans toutes les interventions tout en respectant l’ordre établi et l’existence des frontières, tandis que ces dernières préconisaient l’abolition des frontières et critiquaient les politiques migratoires de l’Etat. Un autre clivage existait entre les militants bénévoles et les ONG professionnelles nouvelles venues. Les premiers exprimaient leur inquiétude envers ces dernières accusées de « débarquer » sans prendre assez en compte le tissu associatif local préexistant.71
En un mot, nous pouvons voir que les « jungles » présentaient diverses façades sous lesquelles l’ordre et le chaos coexistaient.
Les causes de la formation des « jungles »
D’où viennent les migrants? Où vont-ils?
Comme mentionné précédemment, l’histoire des premiers camps de réfugiés dans la région de Calais remonte aux années 1990. Le camp de réfugiés de Sangatte, créé en 1999, avait pour but d’héberger les Kosovars, survivants de la Guerre du Kosovo, en quête d’asiles. Par la suite, avec le déclenchement de la Guerre d'Afghanistan et la tension au Moyen-Orient, des milliers d'Afghans, d'Iraniens, de Syriens, de Kurdes et d'Africains sont entrés dans les camps de Sangatte, guettant les occasions pour atteindre l’Angleterre dont la société est plus stable et avec plus d’offres d’emploi. Sous la pression du Royaume-Uni, le camp de réfugiés a été fermé en 2002.
En l’espace de la première décennie du XXIe siècle, l'instabilité de la conjoncture au Moyen-Orient, le déclenchement de la guerre en Irak et de la guerre de Géorgie ont de nouveau causé un grand nombre de réfugiés fuyant vers l'Europe. Le «Printemps arabe» au début des années 2010, à l’origine des troubles en Libye et en Syrie, a eu pour corollaire une vague de réfugiés pénétrant les frontières au sud de l’Europe. En outre, le gouvernement turc sous la présidence d’Erdogan a mis en place une politique de laissez-faire à l’égard des immigrations illégales, ce qui a intensifié la crise des réfugiés. Selon une enquête réalisée par Médecins sans Frontières, presque 82% des réfugiés considéraient l’Angleterre comme leur destination finale.72
Nous pouvons donc conclure que la composition ethnique des camps de réfugiés « jungles » variait avec le temps. Elle est étroitement liée aux guerres et troubles régionaux. Selon une enquête effectuée par Daily Mail, 62% de la population des camps de réfugiés ne sont pas européens. Au début, les Irakiens kurdes étaient le groupe le plus important. Après 2014, les Pachtounes venant de l’Afghanistan, les Somaliens et les Soudanais ont progressivement augmenté.73 Selon une enquête quantitative réalisée par MSF en 2015, les Soudanais constituaient le groupe le plus important dans les « jungles ». Il y avait aussi des réfugiés venant des pays membres de l’Organisation Internationale de la Francophonie tels que l’Égypte. Les données concrètes sont illustrées dans le tableau ci-dessous.
Tableau 2 Pays d'origine des réfugié dans la « jungle » à Calais, novembre-décembre 201574
Pays d’origine | Total, % (Intervalle de confiance) |
Soudan | 33.3 (28.0-39.1) |
Afghanistan | 18.3 (14.5-22.7) |
Irak | 12.8 (9.4-17.2) |
Iran | 11.5 (8.4-15.6) |
Syrie | 7.3 (4.9-10.7) |
Érythrée | 6.9 (4.7-10.0) |
Pakistan | 3.0 (1.6-5.6) |
Éthiopie | 1.7 (0.8-3.6) |
Égypte | 0.7 (0.2-2.2) |
Koweït | 0.4 (0.1-4.6) |
Autres pays | 3.2 (1.9-5.3) |
*Au total, 13.4% (95% IC 10.1-17.6) des réfugiés étaient kurdes et 74.6% d’entre eux venaient d’Irak
Mais pourquoi ces réfugiés ont-ils fui leur pays natal ? Est-il vrai que les guerres et les troubles sociaux sont les causes principales, comme ce que disent les médias ? En 2012, Brice Arsène Mankou, docteur en sociologie de l'Université de Lille, a réalisé une enquête de terrain dans la «Jungle ». En sélectionnant au hasard 50 réfugiés, il a effectué des entretiens approfondis afin de comprendre les motivations de ces réfugiés arrivés à Calais. A partir des résultats de son travail, nous avons établi un tableau pour illustrer la situation.
Tableau 3 Facteurs poussant les réfugiés à venir à la jungle à Calais75
Facteurs de migration | Proportion d’enquêtes |
Guerres | 40% |
Enrôlement dans les milices | 10% |
Persécutions politiques | 10% |
Misère | 20% |
Autres | 20% |
Total | 100% |
A partir de ce tableau, nous pouvons voir que les guerres étaient effectivement les facteurs principaux poussant les réfugiés à venir à la « jungle » à cette époque-là.
En outre, il convient de noter que pour les réfugiés dont la destination est le Royaume-Uni, les langues utilisées constituent également un facteur important. La plupart d’entre eux ne parlent pas le français, alors que la langue anglaise est généralement utilisée. De ce fait, l’Angleterre est pour eux une destination idéale en Europe.76
Les contestations provenant des Accords du Touquet
La « jungle » à Calais a continué à s’étendre en 2016 et la population dans les camps a atteint 10 000 avant la démolition. Pourquoi ont-ils choisi cette ville? La raison principale en est le tunnel sous la Manche, construit en 1987, qui relie le port de Douvres au Royaume-Uni et celui de Calais en France. Calais est donc devenu un choix privilégié pour les immigrants illégaux afin d’espérer entrer clandestinement au Royaume-Uni. En outre, les « Accords du Touquet » signés par la Grande-Bretagne et la France en 2003 constituent également une cause de l'expansion de la « jungle ».
En fait, les documents juridiques contrôlant le flux d'immigrants clandestins entre la Grande-Bretagne et la France remontent au Protocole de Sangatte signé en juillet 1991. À cette époque, le travail du tunnel sous Manche était achevé, mais il n'était pas encore mis en service77. Selon cet accord, la Grande-Bretagne et la France doivent envoyer des gardes-frontières pour garder les deux extrémités du tunnel afin de vérifier l'identité des gens traversant la Manche. Ensuite, en raison de l'augmentation de l'immigration clandestine, le Royaume-Uni et la France ont signé le Protocole additionnel au protocole de Sangatte en 2000. Cet accord stipule que les deux pays peuvent échanger des garde-frontières. Les garde-frontières français peuvent donc effectuer des contrôles aux frontières au port de Douvres tandis que les gardes-frontières britanniques viennent à Calais pour exécuter le contrôle d’immigration, accroissant ainsi l'efficacité. En vertu de ces protocoles, les immigrants illégaux seront tout de suite expulsés vers le pays de départ sans tarder.78
Le 4 février 2003, lors du 25e sommet franco-britannique, le Royaume-Uni et la France ont signé les Accords du Touquet. Selon ces accords, les frontières britanniques sont déplacées au port de Calais etles postes de contrôle sont érigés à Calais afin que les immigrants illégaux ne puissent pas traverser la Manche et que les immigrés bloqués soient obligés de rester à Calais. En outre, les accords prévoient explicitement que si la demande d’asile est formulée après les contrôles mais avant le départ du navire, son traitement relèvera de l’Etat de départ, concrètement de la France, pour les demandes exprimées dans le port de Calais.79 Après son entrée en vigueur le 1er février 2004, les accords ont suscité des critiques de tous les milieux en France parce que c’est la France qui était de facto responsable de la sécurité aux frontières. Le Royaume-Uni n’accordait que des soutiens financiers. Par la suite, en 2009, 2010 et 2014, d'autres accords bilatéraux supplémentaires ont été signés, mais le modèle de gestion n’a pas changé. Avec l'accumulation des demandes d'asile en attente ou refusées, l'échelle des « jungles » a augmenté et Calais est devenue une véritable «zone d'attente». Les secours envers les réfugiés provenant des autorités françaises étaient assez limités tandis que la Grande-Bretagne ne s’est pas acquittée de ses devoirs stipulés par les accords bilatéraux. Par exemple, la commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a accusé le Royaume-Uni de faire peu d'efforts pour protéger les mineurs non accompagnés. Selon les accords signés, s’il y a des mineurs non accompagnés dans les camps de réfugiés ayant des parents en ligne directe résidant au Royaume-Uni, les autorités britanniques devraient les extrader en Angleterre pour réaliser les réunions familiales. Mais en fait, beaucoup d’entre eux ont été quand-même bloqués dans la « jungle » en face des risques de sécurité.80 En janvier 2018, Emmanuel Macron s'est rendu en Grande-Bretagne et a signé un nouvel accord supplémentaire avec Theresa May, dans l'espoir d'améliorer la situation des mineurs non accompagnés. Nous pouvons en conclure que les influences néfastes à l’égard de la France provenant des Accords du Touquet et l’exécution imparfaite des engagements contractuels stipulés par les accords bilatéraux ont eu pour corollaire la détérioration de la situation dans la « jungle ».
Les difficultés pour résider en France
Après le démantèlement de la « jungle » en 2016, la plupart des réfugiés installés dans des Centres d’accueil et d’orientation (CAO) ont tout de même choisi de se rendre dans le Nord ou de retourner dans leur pays de départ. Peu de réfugiés ont en réalité réussi à obtenir le droit d’asile à longue échéance en France.81
Selon les Conventions de Dublin, les réfugiés devraient être transférés aux pays européens responsables des demandes d’asile présentées initialement par les réfugiés quand ils sont venus en Europe. En France, le gouvernement a fourni d’autres choix tels que les centres d’accueil et de secours humanitaire à Paris. Mais il fallait passer par le Centre d’examen de situation administrative (CESA) pour être admis. Mais les 50 rendez-vous quotidiens ne suffisaient pas et le service de CESA s’arrêtait le vendredi. Les réfugiés hors structure ne pouvaient donc que déambuler dans les rues de Paris et ont été finalement chassés de la ville par la police.82
En effet, depuis 2012, le gouvernement français a établi des Centres d’accueil des demandeurs d’asile et des CAO dans toutes les régions réparties en France où les migrants pouvaient présenter leurs demandes d’asile. Néanmoins, selon les Conventions de Dublin, le processus d’application ne peut pas dépasser 11 mois. Il est aussi à noter que si la première demande est refusée, il faut attendre longtemps pour poser une deuxième demande. Et la durée de séjour dans les CAO ne peut pas dépasser 30 jours. Il en découle que les réfugiés refusés ne pouvaient que retourner dans la « jungle ».83
Abstraction faite des procédés spécifiques pour présenter des demandes d’asile visant les réfugiés dans la « jungle », le processus général pour poser les demandes est également parsemé de difficultés. En France, les documents des sans-papiers doivent d’abord être remis à l’OFPRA84 pour examiner si toutes les conditions sont remplies ou pas. Si les demandes sont approuvées, les immigrants peuvent résider en France pour une durée limitée. Par contre, ils doivent revenir au pays de départ puisque la France a mis en pratique la politique « zéro immigration illégale » depuis 1993.85 Selon un rapport publié par l’OFPRA en 2016, le taux d’admission des demandes d’asile de cette année n’était que de 28.8%.86
Nous pouvons donc conclure que la mauvaise gestion des résidences temporaires, les critères stricts pour juger les conditions d’asile ainsi que le faible taux d’admission des demandes d’asile en France pouvaient expliquer partiellement la persistance de la « jungle » à Calais.
Les solutions possibles pour les problèmes de la « jungle »
Bien que l'histoire de la « jungle » à Calais soit terminée, son existence nous donne des leçons à tirer. Nous pouvons résumer brièvement quelques solutions possibles pour traiter les problèmes provenant des camps de réfugiés.
4.1 Consolider la coopération entre le gouvernement central et les autorités locales
En traitant le problème de la « jungle », les autorités centrales et locales françaises ont manifesté une incohérence évidente. La raison en est que les camps de réfugiés se trouvaient aux frontières et que le contrôle administratif était limité par les restrictions des accords bilatéraux signés par la France et le Royaume-Uni. A l’échelle européenne, l’Acte unique européen a conduit à une politique de décentralisation dans les Etats membres de l’UE. Aujourd’hui, les autorités locales des zones frontières jouissent d’une autonomie de plus en plus grande.87 Mais en ce qui concerne des problèmes importants tels que la construction des cabanes, le gouvernement central français aurait pu multiplier davantage le dialogue avec les autorités locales de Calais pour éviter l'expansion de la « jungle ».
Après l’action de démantèlement en 2009, les réfugiés sont retournés à Calais, mais ils n’ont pas formé des peuplades sédentaires. En 2015, dans l’espoir d’alléger la pression des réfugiés sur l’espace urbain, Natacha Bouchart, maire de Calais de l’époque, a décidé de construire un camp de réfugiés dans la banlieue de Calais sans accord de Paris. Cependant, avec l'expansion du camp, le maire a regretté cette initiative en s'inquiétant de l'émergence d’un bidonville à la périphérie qui pourrait affecter l'ordre public.88 Autorisés par l’Elysée, les policiers sont intervenus dans ces affaires. Ils ont installé des conteneurs tout en démolissant les tentes et les cabanes préexistantes, causant ainsi des coûts irrécupérables. Pire, l'opération de démolition a connu des affrontements des personnels de MSF. Tout cela montre que les autorités locales doivent maintenir et consolider la coordination avec Paris en traitant les problèmes de ce type pour éviter la détérioration de la situation.
4.2 Mobiliser le pouvoir de la société civile
Comme indiqué précédemment, durant l’existence de la « jungle », la vacance du pouvoir était comblée par les ONG et divers groupes civils relevant de la société civile : Médecins sans Frontière, Croix-Rouge française, Médecins du Monde, France terre d’asile, Auberge des Migrants, Solidarité internationale, Secours catholique, Secours islamique France… Ils ont concouru à maintenir l’ordre public, à résoudre les conflits et à offrir de diverses assistances incluant l’offre d’emploi.89 De ce fait, nous pouvons dire que la stabilité de la « jungle » était largement due à la mobilisation du pouvoir de la société civile.
D’un côté, les ONG de la société civile organisent les activités publiques, mobilisant l’ardeur des communautés. D’un autre côté, leur présence crée un climat propice au maintien de l’ordre en comblant la vacance du pouvoir gouvernemental. 90
En outre, il est conseillé de renforcer la coopération entre les ONG et les autorités. Selon un communiqué publié par la CNCDH, l’incohérence des agences gouvernementales et des ONG a entraîné une efficacité faible de l’exécution des missions, ce qui n'était pas propice à la résolution des problèmes internes dans la « jungle ».91 La relation de concurrence entre les autorités et les ONG en matière de l’installation des logements constitue un bon exemple à l’appui de cette conclusion.
4.3 Contrôler les frontières en renforçant les coopérations au sein de l’UE
Lors de l’opération de démolition de la « jungle » en 2009, les policiers ont rencontré des résistances des réfugiés et des bénévoles brandissant des banderoles avec écrit « No Border », ce qui démontre les contestations sur le contrôle des frontières.
Les frontières sont un symbole de la souveraineté nationale et elles peuvent varier de temps en temps. Pour l’Europe, les frontières extérieures incarnent un rôle similaire. Suite à la conclusion des Conventions de Schengen, l’intégration européenne a connu une accélération manifeste, poussant la disparition des frontières internes de l’UE. Cependant, l’émergence de la crise des réfugiés a de nouveau suscité des contestations puisque les immigrants illégaux ont ouvert des brèches sur les frontières extérieures du sud et de l’est de l’Europe. En outre, la libre circulation des réfugiés entre les pays membres de l’UE a causé des problèmes sociaux et le rétablissement des frontières internes est donc mis à l’agenda. En effet, à cause des attentats terroristes en France en 2015, bien des pays européens tels que la France, l’Allemagne, ou le Danemark ont renforcé leurs contrôles aux frontières.
Afin d’éviter la résurrection de la «jungle», d'une part, le gouvernement devrait accorder des asiles temporaires aux réfugiés par humanité. À l’échelle européenne, conformément aux Conventions de Dublin, le premier pays où les réfugiés posent leur première demande d’asile devrait assumer la responsabilité d’offrir des logements. Dans la même veine, d’autres pays européens devraient renforcer leur collaboration afin d'apporter des soutiens matériels aux pays soumis à la pression de l’immigration. En revanche, en termes de contrôle des frontières, un système de concertation devrait être mis en place pour prévoir les tendances d’immigrations et renforcer le contrôle des frontières extérieures européennes. Mais il est déconseillé de rétablir les frontières intérieures de l'Europe, car cela risquerait d’augmenter la pression sur les pays les plus touchés par l’immigration illégale et poserait des difficultés pour mobiliser les assistances matérielles. En outre, comme le souligne Yamei Wang, le contrôle des frontières internes exige davantage de coûts administratifs et économiques.92 Les pays européens devraient donc abandonner l’ultranationalisme et assister activement à la construction des frontières extérieures européennes en offrant des aides humanitaires. Il faut accorder davantage de fonds dans les zones frontalières de l'UE pour assurer le développement économique local et maintenir l’ordre public, ce qui permettrait d’atténuer les mouvements anti-immigration et résoudre les conflits entre les populations locales et les réfugiés.
Conclusion
Bien que la «jungle» à Calais a persisté plus de dix ans, la situation en son sein était assez fragile et les conditions de vie étaient mauvaises. Les infrastructures et les liens sociaux composant l’écosystème dynamique de la « jungle » l’ont transformée en un « brouillon de villes ». La présence des ONG relevant de la société civile a concouru à créer un système d’autogestion organisé.
La formation de la « jungle » a été causée par plusieurs facteurs. Les guerres dans les régions proches de l'Europe depuis les années 1990 ont provoqué un grand nombre de réfugiés. Beaucoup d’entre eux se sont rassemblés à Calais en guettant les occasions à traverser la Manche. En outre, des accords bilatéraux franco-britanniques à propos des contrôles aux frontières tels que les Accords du Touquet a poussé l’expansion de la « jungle ». Enfin, le mécanisme compliqué concernant la demande d'asile en France explique partiellement la persistance de la « jungle ».
Le problème de la «jungle» nous apprend que les autorités centrales et locales doivent renforcer la coopération en temps opportun pour éviter des conflits possibles. Le pouvoir des ONG relevant de la société civile devrait être mobilisé pour assister à la gestion des camps de réfugiés. A l’échelle européenne, les pays membres devraient travailler de concert pour respecter les dispositions des conventions internationales, apporter un soutien aux pays les plus touchés par l’immigration et contrôler efficacement les frontières extérieures de l’Europe.
Aujourd’hui, les retombées de la « Jungle » persistent toujours, transformant la physionomie de la région des réfugiés, mais aussi sur les réfugiés eux-mêmes. Dans l’avenir, nous anticipons davantage de recherches empiriques sur le traitement et la vie des réfugiés provenant des jungles qui se sont finalement installés dans d’autres pays, à travers la méthode d’ethnographie en constatant leur comportement et psychologie quotidiens.
Bibliographie
1. Livres
[1] AGIER, Michel, Anthropologie de la ville, Paris, Presses Universitaires de France, 2015.
[2] AGIER, Michel & BOUAGGA, Yasmine & GALISSON, Mael & HANAPPE, Cyrille & PETTE, Mathilde & WANNESSON, Philippe, La Jungle de Calais, Paris, Presses Universitaires de France, 2018.
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2. Articles de périodique
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[5] LI, Tieli, 《Bian jie zhuan xing dui ou zhou yi ti hua jin cheng de yingiang yu ji zhi》《边界转型对欧洲一体化进程的影响与机制》(« Le mécanisme des effets de la transformation des frontières pour l’intégration européenne »), Chinese Journal of European Studies, n ° 4, 2008, pp. 15-26.
[6] MANKOU, Brice-Arsène, « Calais, une prison ouverte pour les migrants », Hommes & Migrations, vol. 4, n° 1304, 2013, pp. 35-39.
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[8] QUENTIN, Aurélie, « L'institutionnalisation du rôle des ONG au sein des politiques publiques financées par l'aide internationale : l'ambigüité de la participation de la société civile. Le cas de la politique d'habitat en Équateur », Mondes en développement, vol. 159, no° 3, 2012, pp. 29-44.
[9] TISSERAND, Chloé, « Le camp de la Linière détruit », in Hommes & Migrations, vol. 4, n° 1319, 2017, pp. 138-140.
[10] WANG, Yamei, 《Wu bian jie de ou zhou mian lin de bian jie zhi kun》《“无边界的欧洲”面临的边界之困》(« Etude sur les frontières de “l’Europe sans frontières” »), Frontiers, n ° 6, 2019, pp. 60-69.
3. Thèses et mémoires
[1] JI, Xiaolan, 《Lun cheng shi ben zhi》《论城市本质》(« L’essence de la ville »), thèse de doctorat, Chinese Academy of Social Science, 2001.
4. Rapports et communiqués officiels
[1] Commission nationale consultative des droits de l’homme, Situation des migrants à Calais en 2015 et 2016, 7 juin 2016.
[2] Office français de protection des réfugiés et apatrides, Rapport d’activité 2016, 2016.
5. Documents judicaires
[1] Loi n°2001-409 du 11 mai 2001 sur la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni.
6. Articles de presse
[1] BAUMARD, Maryline, « Le camp, lieu de mise à l’écart, est aussi un lieu de vie », Le Monde, 18 avril 2015.
[2] BAUMARD, Maryline, « A Calais, un bidonville " hors contrôle " », Le Monde, 15 octobre 2015.
[3] BAUMARD, Maryline, « Calais : l'Etat condamné à rendre la " jungle " digne », Le Monde, 25 novembre 2015.
[4] BAUMARD, Maryline, « Les conteneurs, le nouveau visage du Calais des migrants », Le Monde, 27 janvier 2016.
[5] BAUMARD, Maryline, « Des migrants mineurs exploités dans les " jungles " », Le Monde, 17 juin 2016.
[6] BAUMARD, Maryline, « Dans la " jungle ", des avancées et des manques », Le Monde, 9 juillet 2016.
[7] BAUMARD, Maryline, « La drôle d'autogestion d'un " brouillon de ville " », Le Monde, 23 octobre 2016.
[8] BAUMARD, Maryline, « Le dispositif mis en place après l'évacuation de Calais atteint ses limites », Le Monde, 17 décembre 2016.
[9] COOPER, Yvette, « The most shocking thing about Calais is that it’s not even too big to solve », The Guardian, 7 janvier 2016.
[10] MALM, Sara, « The unknown refugee camp “far worse than the Calais jungle” », Daily Mail, 5 janvier 2016.
[11] SIMON, Catherine, « La jungle des mal-lavés », Le Monde, 26 juin 2009.
[12] VINCENT, Elise, « A Calais, les camps rasés, les migrants toujours dans l’impasse », Le Monde, 29 mai 2014.
[13] « La " jungle " de Calais, image du futur ? », Le Monde, 26 octobre 2016.
7. Sitographie
[1] Tout savoir sur le traité du Touquet, https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/06/24/tout-savoir-sur-le-traite-du-touquet_4957436_3224.html.
Désir et désespoir, l’identité nationale québécoise dans Prochain Épisode
Élodie YU
Résumé
Dans les années 1960, la Révolution tranquille bouleverse l'ordre établi et suscite une nouvelle conscience nationale au Québec. Depuis lors, de nombreux écrivains québécois commencent à poser la problématique identitaire des québécois. Ce travail analyse le désir et le désespoir des québécois au cours de la quête de leur identité nationale. Le corpus est constitué du premier roman d’Hubert Aquin intitulé Prochain Épisode (1965). À travers une analyse littéraire du texte original, l’auteur souligne d’abord la forme de la mise en abyme et le double « je » qui lient le monde fictionnel avec le monde réel. Hubert Aquin exprime ainsi ses désirs de l’existence d’une nation québécoise. Le ton pessimiste et le dénouement tragique du roman dévoilent un sentiment d'échec du peuple québécois. Pourtant, Hubert Aquin laisse des indices d’espoir dans le roman pour apprécier la résolution des révolutionnaires et du peuple québécois qui ne cessent jamais de poursuivre la reconnaissance leur identité.
Mots-clés : Prochain Épisode, Hubert Aquin, identité nationale, Québec, Révolution tranquille
Introduction
La société contemporaine du Québec est née dans les années 1960 où les anciens ordres ont été bouleversés par de multiples réformes sociales. Face au grand écart entre la prospérité de la société et les politiques déphasées, les intellectuels québécois s’étaient efforcés de « vivre leur heure de gloire » et « jouer un rôle historique »93. C’est au cours de cette période mouvementée qu’apparait une idéologie nationaliste chez les québécois. Paul-André Linteau, professeur d’histoire de l’UQAM94, indique que « dès les années 60, la Révolution tranquille95 a pris au Québec les allures d’un mythe national »96. L’identité nationale devient ainsi un sujet inévitable quant à la modernité du Québec.
Vu la complexité du statut du Québec au Canada, de nombreuses recherches sociologiques ont été conduites dans le but de comprendre la naissance et le développement de l’identité nationale des québécois. En 1996, le prix sociologie-UQAM a été décerné à Caroline Mac Kay pour apprécier son essai qui arrive à scruter et à diagnostiquer le nationalisme québécois. Dans son article, elle souligne particulièrement le terme « identité » en disant qu’« il est normal qu'un groupe tente de définir son identité » parce qu’« une identité tendra toujours à préserver son intégrité et sa valeur »97. En 2002, invité par la Commission d’étude des questions afférentes à l’accession du Québec à la souveraineté, Simon Langlois, sociologue et professeur à l’Université Laval a mis à jour son article intitulé « Identité et souveraineté nationales : le cas du Québec »98 pour interroger de nouveau le statut du Québec et enrichir les réflexions sur l’avenir politique et sociologique du Québec. L’identité québécoise demeure aussi un sujet d’actualité dans le domaine littéraire. Par exemple, à travers une étude sur la poétique de l’exil, Veronique Lamothe Bell dégage la problématique identitaire associée à la littérature québécoise. Elle considère que le territoire québécois possède « un statut favorable à l’exploration d’une quête identitaire » et elle démontre aussi que « la nouvelle littérature québécoise, immigrante, a contribué à renforcer l’enjeu identitaire »99.
Notre recherche étudiera le désir et le désespoir des québécois au cours de la quête de leur identité nationale. Le corpus est constitué du premier roman d’Hubert Aquin100 intitulé Prochain Épisode. Paru en 1965, ce roman compte parmi les œuvres les plus marquantes101 de la littérature québécoise depuis l’avènement de la Révolution tranquille. Hubert Aquin, écrivain québécois qui s’engage beaucoup dans la société, approfondit dans ce roman la question de la reconnaissance de l’identité québécoise.
À travers l’analyse littéraire et sociologique du roman, nous nous interrogerons d’abord sur la nature de l’identité nationale qui constitue les désirs des québécois dans les années 1960. Nous distinguerons l’identité nationale, pour laquelle ce roman lutte, de l’idée du repli sur soi afin de mieux connaître ces désirs. Puis, en mettant l’accent sur le ton narratif, nous espérons dévoiler le désespoir du narrateur qui pourrait incarner le monde intérieur de l’auteur et celui des autres révolutionnaires québécois dans les années 1960.
1. Désir : du monde fictionnel au monde réel
1.1 La mise en abyme et le double « je »
L'histoire du roman porte une mise en abyme. Le roman est écrit à la première personne. Le narrateur, un révolutionnaire enfermé dans un hôpital psychiatrique, raconte comment il a été envoyé dans cette prison. Il écrit lui-même un roman d’espionnage pour faire passer le temps et se libérer de ses frustrations et de ses tensions accumulées dans la prison. Dans ce roman d’espionnage, il y a trois personnages principaux. Le héros est un révolutionnaire qui est envoyé en Suisse ainsi qu'en Autriche pour la mission de tuer un espion qui s’appelle H. de Hentz et pour abattre les forces contre-révolutionnaires. La femme K est son aimée. Voici un tableau, que nous empruntons à Sylvie Caron, qui nous permet de mieux comprendre les intrigues.102
Le roman met en scène un double « je » : d'une part, celui d'un héros-révolutionnaire, et d'autre part, celui d'un écrivain-révolutionnaire. En effet, l’auteur se sert d’éléments autobiographiques en composant ce roman. Dans le monde réel, Hubert Aquin, tout comme l’écrivain-révolutionnaire, est arrêté et emprisonné dans un institut psychiatrique. Là, il écrit une grande partie de Prochain épisode. L’écrivain-révolutionnaire ressemble donc beaucoup à Hubert Aquin lui-même, et par conséquent, il peut s’exprimer pour Aquin. Ainsi, les désirs exprimés par les narrateurs dans le roman révèlent en fait les désirs de l’auteur en tant que révolutionnaire québécois.
1.2 La nature de l’identité nationale des québécois
Grâce à la mise en abyme, le monde fictionnel dans Prochain épisode se lie étroitement avec le monde réel. Sylvie Caron propose pour la première fois la notion de « désir épique » pour décrire le but de l’écriture, selon elle, Hubert Aquin « ambitionne en effet d'écrire une épopée déréalisante dont le contenu ferait prendre conscience aux Québécois de leur aliénation nationale »103. Certes, Prochain épisode est loin d’être une épopée, mais la lutte des révolutionnaires est épique104.
Au début du roman, quand le héros se rappelle de ses expériences en tant que révolutionnaire, il crie : « Chef national d'un peuple inédit!Je suis le symbole fracturé de la révolution du Québec, mais aussi son reflet désordonné et son incarnation suicidaire. »105 Selon les analyses précédentes, nous pouvons dire que ces phrases incarnent aussi la voix de l’auteur. Il veut tout abandonner pour soutenir la révolution et la nation québécoise.
Avant la révolution, le nationalisme québécois a été caractérisé par un repli sur soi du peuple dans une société rurale où primait la religion. Il s’agissait plutôt d’« un mécanisme de défense compensateur et protecteur de l'identité »106. La Révolution tranquille bouleverse l'ordre établi. Une nouvelle conscience nationale apparaît. Les Québécois prennent conscience de leurs identités particulières. De plus, Mac Kay estime que « la confiance s'installe » grâce à l’urbanisation de la société qui engendre « une fois commune moderne »107. Les années 1960 transforment radicalement la quête identitaire des Canadiens francophones. Un consensus de désir existe dès lors au Québec sur l’existence d’une communauté nationale, autrement dit, d’une nation québécoise.
2. Désespoir : mélange de l’hésitation et de l’espoir
2.1. Le ton pessimiste sur le terme « nation »
Le premier paragraphe du roman impose déjà le ton en général.
Cuba coule en flammes au milieu du lac Léman pendant que je descends au fond des choses… Entre l’anniversaire de la révolution cubaine et la date de mon procès, j’ai le temps de divaguer en paix, de déplier avec minutie mon livre inédit et d’étaler sur ce papier les mots clés qui ne me libéreront pas.108
Le lac Léman est un lac entre la France et la Suisse. La description métaphorique du lac Léman coïncide avec le contexte du roman d’espionnage écrit par le narrateur.
Même si Prochain épisode se concentre sur la description des révolutionnaires qui veulent tout sacrifier pour leur pays, quand le narrateur évoque la nation, il la décrit souvent avec un ton pessimiste.
Par exemple, le narrateur décrit la nation comme un « pays gâché »109, une « terre maudite », un « cachot national »110, une « catatonie nationale »111. La représentation négative de la nation nous démontre que la nation n’est pas un lieu agréable à vivre. La vague promesse faite par la révolution est de créer une nation québécoise, mais pour le héros dans le roman, la nation idéale est lointaine et obscure, pourtant les souffrances existent réellement.
L'histoire du héros symbolise celle du peuple québécois. Au cours de la révolution inachevée, les révolutionnaires québécois partagent un sentiment d'échec et l’hésitation pour le futur.
2.2. Un dénouement tragique avec l’incarnation de l’espoir
À la fin de l’histoire, l’écrivain-révolutionnaire finit à écrire son roman d’espionnage d’un ton pessimiste et sa situation personnelle ne change rien. Dans le monde réel, la révolution tranquille ne réussit pas non plus. L’héro-révolutionnaire crie ainsi pour l’auteur : « Je suis une arche d'alliance et de désespoir, hélas, car j'ai perdu ! »112 Le dénouement tragique de Prochain épisode montre la situation difficile des vrais révolutionnaires à cette époque-là.
Malgré tout, la révolution laisse un héritage très riche par rapport à la reconnaissance de l’identité des québécois, et nous voyons aussi des indices de l’espoir dans le roman.
La fonction de la présence de la femme K est de donner des informations sur l’espion H. de Heutz. Nous pouvons considérer que la présence incarne en fait le pays aimé par le héros-révolutionnaire. Quand le narrateur se souvient des nuits passées avec la femme K, il se questionne : « Où est-il le pays qui te ressemble, mon vrai pays natal, celui où je veux t’aimer et mourir ? »113 Nous pouvons considérer que le héros hésite et doute souvent de sa mission pour la révolution. Pourtant, il a toujours un désir ardent pour son pays natal, il ne cesse jamais la quête d’une identité nationale, il ne perd jamais espoir.
Mireille Bigras apprécie bien le héros sans nom en disant que « J’y ai reconnu ce québécois à la recherche de son identité, ce québécois sans racines, issu de tous, issu de rien, sans nom et personne pour le nommer. » 114 Le héros-révolutionnaire du roman représente de nombreux profils des vrais révolutionnaires durant la révolution tranquille. Leurs états psychologiques se ressemblent. En quête d’une identité nationale, ils participent activement aux événements révolutionnaires, pourtant, les défaites se succèdent inévitablement, ils hésitent, mais personne ne peut entamer leur résolution, ils souffrent en aimant.
Conclusion
Prochain épisode peut être considéré comme une autobiographie d’Hubert Aquin, l’auteur liant le monde fictionnel avec le monde réel au Québec. À travers les voix des personnages, l’auteur exprime ses propres sentiments sur la révolution, une nouvelle conscience nationale et le désir de l’existence d’une nation québécoise.
Le choix du ton pessimiste et les images quelquefois négatives du pays dévoilent une sorte d’hésitation à la recherche de l’identité nationale. Le désespoir est constitué non seulement du sens de la perte pour la révolution inachevée, mais aussi d’un sentiment d'échec du peuple québécois. Par conséquent, l’auteur n’attribue pas un dénouement heureux à ce roman.
Néanmoins, nous pouvons remarquer aussi des indices d’espoir tels que la présence de la femme K. À la quête d’une identité nationale, même si les défaites se succèdent, les révolutionnaires et le peuple québécois ne cessent jamais de poursuivre la reconnaissance leur identité.
L’analyse de l’identité nationale des québécois à travers ce roman nous permettra non seulement de découvrir le monde de la littérature québécoise dans les années 1960, mais aussi de voir la société et la mentalité du peuple à cette époque-là. Aujourd’hui, l’intégration des immigrés enrichit beaucoup la littérature québécoise, quelles sont les nouvelles particularités de la quête identitaire dans la littérature québécoise? Comment comprendre l’identité nationale des écrivains immigrés? Le traitement de ces questions nous aiderait à mieux connaître la société québécoise contemporaine.
Bibliographie
AQUIN, Hubert, Prochain épisode, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2005
BIGRAS, Mireille, « Prochain épisode : le premier roman de Hubert Aquin », Montréal, Liberté, volume 7, numéro 6(42), Montréal, 1965, pp. 557–563
CARON, Sylvie, « Le désir épique dans le roman Prochain épisode d’Hubert Aquin », mémoire de master, Université du Québec à Trois-Rivières, 1999
LAMOTHE BELL, Véronique, « Littérature Québécoise et Problématique Identitaire: Poetique de l'Exil » [en ligne], mémoire de master, Université du Tennessee, Knoxville, 2013. Disponible sur https://trace.tennessee.edu/utk_gradthes/1594/. [Consulté le 31 juillet 2020]
LANDRY, Pierre, DE KONINCK, Marie-Charlotte (sous la direction de), Déclics art et société : Le Québec des années 1960 et 1970, Montréal, Fides, 1999
LINTEAU, Paul-André, « Un débat historiographique : l’entrée du Québec dans la modernité et la signification de la révolution tranquille » [en ligne], Francofonia, No. 37, 1999, pp. 73-87. Disponible sur www.jstor.org/stable/43016993. [Consulté le 31 juillet 2020]
MAC KAY, Caroline, « L’identité nationale des Québécois », Cahiers de recherche sociologique, n◦27, Montréal, 1996, pp. 197-201
Notice bio-bibliographique : Élodie YU est étudiante en M1 au département de français à l’Université des Études internationales de Shanghai sous la direction du professeur Peixin Qian. Son orientation de recherche est la littérature francophone.
1 La Révolution tranquille est une période de changements rapides vécue par le Québec dans les années 1960. Après la victoire de l’élection, le Parti libéral du Québec applique un programme résolument réformiste qui change beaucoup le Québec. DUROCHER, René. "Révolution tranquille". L’Encyclopédie Canadienne, 04 mars 2015, Historica Canada. https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revolution-tranquille.
2Statistique Canada, N° au cat : 98-400-X2016046 https://www12.statcan.gc.ca/datasets/Indexfra.cfm?Temporal=2016&Theme=118&VNAMEF=&GA=-1&S=0, consulté le 10 juin 2020.
3 Statistique Canada, des recensements de 2006 à 2016, https://www.statcan.gc.ca/fra/debut.
4 La Charte de la langue française, 2020, p1.
5 BREDIMA-ASSIMOPOULOS, Nadia, « Préface », dans STEFANESCU, Alexandre, GEORGEAULT, Pierre (dir.), Le français au Québec, les nouveaux défis, Montréal, Fides, 2005, p11.
6 La Charte de la langue française est adoptée par le gouvernement de René Lévesque, qui est le premier, depuis les débuts de la Confédération, à avoir comme objectif la souveraineté du Québec, la loi 101 en fait une partie.
7 La Charte canadienne des droits et libertés est la première partie de la Loi constitutionnelle de 1982.
8https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/Const/page-15.html, consulté le 16 juin 2020.
9Ibid.
10http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/651-charte-de-la-langue-francaise, consulté le 18 juin 2020.
11 http://www.bibliotheque.assnat.qc.ca/guides/fr/charte-de-la-langue-francaise/2029-2010-projet-de-loi-103?ref=450, consulté le 18 juin 2020.
12 Office québécoise de la langue française, Synthèse du rapport sur l’évolution de la situation linguistique au Québec, p3.
13 La connaissance du français est plus utile. Par exemple, tous les nouveaux candidats du Programme régulier des travailleurs qualifiés qui souhaitent obtenir des points à la grille de sélection pour leur connaissance du français (requérant principal : maximum de 16 points à l’oral et à l’écrit ; conjoint : maximum de 6 points) et de l’anglais (requérant principal seulement : maximum de 6 points à l’oral et à l’écrit). Voir https://www.immigration-quebec.gouv.qc.ca/fr/immigrer-installer/travailleurs-permanents/conditions-requises/connaissances-linguistiques.html
14 Statistique Canada, Recensement de la population 2016.
15 Direction de la recherche et de la statistique du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, 2009-2013 Tableaux de l’immigration permanente au Québec, 2014 ; 2014-2018 Tableaux de l’immigration permanente au Québec, 2019.
16Ibid.
17 MOLINARI, Chiara, « Anglais et français au Québec : d'une relation conflictuelle à une interaction pacifique ? », Éla. Études de linguistique appliquée, 2008/1, n° 149, p94.
18 CAJOLET-LAGANIÈRE, Hélène et MARTEL, Pierre, La qualité de la langue au Québec, Québec, Institut Québéçois de Recherche sur la Culture, 1995, p52.
19 Grossistes ; industrie de l’information ; vente de détail (sauf les magasins d’alcool) ; secteur financier (sauf les banques) ; service de soutien ; hébergement et restauration ; services professionnels, scientifiques, techniques et de gestion des entreprises ; industries des arts et du divertissement (sauf les jeux de hasard et loteries) ; services personnels et communautaires ; secteur de l’immobilier.
20 HOULE, René et CORBEIL, Jean-Pierre, Utilisation du français et de l’anglais au travail au Québec 2016, Statistique Canada, 2019, p.48.
21 PAGÉ, Michel et LAMARRE, Patricia, « L’intégration linguistique des immigrants au Québec », Étude IRPP, n°3 février 2010, p32.
22 PLOURDE, Michel, GEORGEAULT, Pierre (dir.), Le français au Québec, 400 ans d’histoire et de vie, Montréal, Fides, 2008, p36.
23 Après de longs mois de négociations, la fusion entre le français Alstom et l’allemand Siemens a été refusée par la Commission européenne le 6 février 2019.
24 DANIEL, Justine, « Champions européens : la fusion avortée d'Alstom et Siemens relance le débat sur la concurrence », Toute l’Europe.eu, publié le 13 février 2019. Site Internet : https://www.touteleurope.eu/actualite/champions-europeens-la-fusion-avortee-d-alstom-et-siemens-relance-le-debat-sur-la-concurrence.html.
25 Voir le site Internet : https://cn.ambafrance.org/Manifeste-franco-allemand-pour-une-politique-industrielle.
26 LE MAIRE, Bruno, le Nouvel Empire : l’Europe du vingt et unième siècle, Paris, Gallimard, 2019, p.66.
27 Voir le site Internet : https://www.bmwi.de/Redaktion/DE/Downloads/M-O/modernising-eu-competition-policy.pdf?__blob=publicationFile&v=4.
28 REUTERS, « Industrie du futur : France et Allemagne adoptent une stratégie européenne, du jamais-vu depuis Airbus », La Tribune, publié le 19 février 2019. Site Internet : https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/industrie-du-futur-france-et-allemagne-adoptent-une-strategie-europeenne-du-jamais-vu-depuis-airbus-808049.html.
29 Voir le site Internet : https://cn.ambafrance.org/Feu-vert-de-la-Commission-europeenne-au-projet-europeen-sur.
30 THOIN-BOUSQUIÉ, Julie, « 3,2 milliards d’euros d’aides européennes pour l'Airbus des batteries », l’Usine nouvelle, publié le 9 décembre 2019. Site Internet : https://www.usinenouvelle.com/editorial/3-2-milliards-d-euros-d-aides-europeennes-pour-l-airbus-des-batteries.N911409.
31Rapport annuel (2020) du commerce extérieur de la France : Analyse des résultats 2019. Environnement international, déterminants et facteurs d’évolution, le bureau des échanges extérieurs et du risque-pays (MACRO 3) de la Direction générale du Trésor, 2020, p. 15
32 Ibid., p. 31
33 LE MAIRE, Bruno, le Nouvel Empire : l’Europe du vingt et unième siècle, op.cit., p. 64.
34 Boston Consulting Group est un cabinet international de conseil en stratégie. Ces données sont citées de l’article suivant : LIESSE, Dominique, « L'"Airbus des batteries" pourra être subsidié par les États », L’Echo, publié le 9 décembre 2019. Site Internet : https://www.lecho.be/entreprises/auto/L-Airbus-des-batteries-pourra-etre-subsidie-par-les-Etats/10189297.
35 LE MAIRE, Bruno, le Nouvel Empire : l’Europe du vingt et unième siècle, op. cit.
36 DEFFAINS, Bruno, D’ORMESSON, Olivier et PERROUD, Thomas, Politique de concurrence et politique industrielle : pour une réforme du droit européen, Paris, Fondation Robert Schuman, 2020, p. 3.
37 Google, Apple, Facebook, Amazon, quatre grandes firmes américaines, qui dominent le marché du numérique.
38 PricewaterhouseCoopers (exerçant sous la raison sociale de PwC) est un réseau d'entreprises américaines spécialisées dans des missions d'audit, d'expertise comptable et de conseil à destination des entreprises. Les chiffres cités sont issus du rapport Global Top 100 companies by market capitalisation, publié le 31 mars 2018. Site Internet : https://www.pwc.com/gx/en/audit-services/assets/pdf/global-top-100-companies-2018-report.pdf.
39 HOUZEL, Timothée, « Une révision du droit européen de la concurrence sous pression », Politique européenne, publié le 28 mars 2020. Site Internet : https://www.taurillon.org/une-revision-du-droit-europeen-de-la-concurrence-sous-pression?lang=fr.
40 LE MAIRE, Bruno, le Nouvel Empire: l’Europe du vingt et unième siècle, op. cit., p. 64.
41 DEFFAINS, Bruno, D’ORMESSON, Olivier et PERROUD, Thomas, « Politique de concurrence et politique industrielle : pour une réforme du droit européen », Question d’Europe, n° 543, Paris, Fondation Robert Schuman, 2020, p. 5.
42 HOUZEL, Timothée, « Une révision du droit européen de la concurrence sous pression », Politique européenne, publié le 28 mars 2020. Site Internet : https://www.taurillon.org/une-revision-du-droit-europeen-de-la-concurrence-sous-pression?lang=fr.
43 Ibid.
44 Diplômé de licence en langue française de l’Université du Zhejiang (ZJU), Clément ZHENG est maintenant étudiant-chercheur du Département d’études françaises de l’Université des Études internationales de Shanghai (SISU) sous la direction du professeur Yunshang XIAO. Son orientation de recherche est la politique française. Il est aussi un des responsables du projet académique « Sur la réforme de retraites sous la présidence d’Emmanuel Macron». Contact : changereal@163.com.
45 Les régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie ont connu une fusion le 1er janvier 2016 pour former la nouvelle grande région Hauts-de-France, en application de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions.
46 « La " jungle " de Calais, image du futur ? », Le Monde, 26 octobre 2016.
47 BRIKE, Xavier, « Calais : une étape dans l’exil. Ethnographier les résistances dans un camp auto-établi », Pensée plurielle, vol. 42, no° 2, 2016, p.108.
48 BAUMARD, Maryline, « La drôle d'autogestion d'un " brouillon de ville " », Le Monde, 23 octobre 2016.
49 BAUMARD, Maryline, « Les conteneurs, le nouveau visage du Calais des migrants », Le Monde, 27 janvier 2016.
50 BAUMARD, Maryline, « La drôle d'autogestion d'un " brouillon de ville " », Le Monde, 23 octobre 2016.
51 SIMON, Catherine, « La jungle des mal-lavés », Le Monde, 26 juin 2009.
52 TISSERAND, Chloé, « Le camp de la Linière détruit », in Hommes & Migrations, vol. 4, n° 1319, 2017, pp. 138-140.
53 Commission nationale consultative des droits de l’homme, Situation des migrants à Calais en 2015 et 2016, 7 juin 2016, p.1.
54 BRIKE, Xavier, op. cit., p.115.
55 VINCENT, Elise, « A Calais, les camps rasés, les migrants toujours dans l’impasse », Le Monde, 29 mai 2014.
56 AGIER, Michel, Anthropologie de la ville, Paris, Presses Universitaires de France, 2015, p.31.
57 BAUMARD, Maryline, « Le camp, lieu de mise à l’écart, est aussi un lieu de vie », Le Monde, 18 avril 2015.
58 ZHANG, Hongyan, Qin ru yu jie guan 侵入与接管(L’intrus et la charge), Nanjing, Southeast University Press, 2000, p.50.
59 BAUMARD, Maryline, « Calais : l'Etat condamné à rendre la " jungle " digne », Le Monde, 25 novembre 2015.
60 BAUMARD, Maryline, « A Calais, un bidonville " hors contrôle " », Le Monde, 15 octobre 2015.
61 JI, Xiaolan, 《Lun cheng shi ben zhi》《论城市本质》(« L’essence de la ville »), thèse de doctorat, Chinese Academy of Social Science, 2001, p.1.
62 BAUMARD, Maryline, « Le camp, lieu de mise à l’écart, est aussi un lieu de vie », Le Monde, 18 avril 2015.
63 QUENTIN, Aurélie, « L'institutionnalisation du rôle des ONG au sein des politiques publiques financées par l'aide internationale : l'ambigüité de la participation de la société civile. Le cas de la politique d'habitat en Équateur », Mondes en développement, vol. 159, no° 3, 2012, p.29.
64 PETTE, Mathilde, « Venir en aide aux migrants dans le Calaisis. Entre action associative locale et crise migratoire internationale », Savoir/Agir, vol. 36, no° 2, 2016, p.50.
65 BAUMARD, Maryline, « La drôle d'autogestion d'un " brouillon de ville " », Le Monde, 23 octobre 2016.
66 BAUMARD, Maryline, ibid.
67 PETTE, Mathilde, op. cit., p.50.
68 BAUMARD, Maryline, « La drôle d'autogestion d'un " brouillon de ville " », Le Monde, 23 octobre 2016.
69 PETTE, Mathilde, op. cit., p.51.
70 BAUMARD, Maryline, « Les conteneurs, le nouveau visage du Calais des migrants », Le Monde, 27 janvier 2016.
71 PETTE, Mathilde, op. cit., p.51.
72 BOUHENIA, Malika, FARHAT, Jihane, Ben, COLDIRON, Matthew et al., « Quantitative Survey on Health and Violence Endured by Refugees During Their Journey and in Calais, France », International Health, vol. 9, no° 6, 2017, p. 338.
73 MALM, Sara, « The unknown refugee camp “far worse than the Calais jungle” », Daily Mail, 5 janvier 2016.
74 BOUHENIA, Malika, FARHAT, Jihane, Ben, COLDIRON, Matthew et al., op. cit., p.338. (Tableau traduit en français par l’auteur)
75 MANKOU, Brice-Arsène, « Calais, une prison ouverte pour les migrants », Hommes & Migrations, vol. 4, n° 1304, 2013, p.37.
76 COOPER, Yvette, « The most shocking thing about Calais is that it’s not even too big to solve », The Guardian, 7 janvier 2016.
77 Le tunnel a été ouvert officiellement à la circulation en 1994.
78 Loi n°2001-409 du 11 mai 2001 sur la création de bureaux chargés du contrôle des personnes empruntant la liaison ferroviaire reliant la France et le Royaume-Uni.
79 Tout savoir sur le traité du Touquet, https://www.lemonde.fr/societe/article/2016/06/24/tout-savoir-sur-le-traite-du-touquet_4957436_3224.html. (consulté le 28 mai 2020)
80 BAUMARD, Maryline, « Dans la " jungle ", des avancées et des manques », Le Monde, 9 juillet 2016.
81 BAUMARD, Maryline, « Des migrants mineurs exploités dans les " jungles " », Le Monde, 17 juin 2016.
82 BAUMARD, Maryline, « Le dispositif mis en place après l'évacuation de Calais atteint ses limites », Le Monde, 17 décembre 2016.
83 BAUMARD, Maryline, ibid.
84 OFPRA, Office français de protection des réfugiés et apatrides.
85 LI, Minghuan et GUERASSIMOF, Carine, 《Gong he mo shi de kun jing – fa guo yi min zheng ce yan jiu》《共和模式的困境-法国移民政策研究》(« Paradoxes of Republican Model: A Study of French Immigration Policy »), Chinese Journal of European Studies, n ° 4, 2003, p.134.
86 OFPRA, Rapport d’activité 2016, 2016, p.4.
87 LI, Tieli, 《Bian jie zhuan xing dui ou zhou yi ti hua jin cheng de yingiang yu ji zhi》《边界转型对欧洲一体化进程的影响与机制》(« Le mécanisme des effets de la transformation des frontières pour l’intégration européenne »), Chinese Journal of European Studies, n ° 4, 2008, p. 23.
88 BAUMARD, Maryline, « Les conteneurs, le nouveau visage du Calais des migrants », Le Monde, 27 janvier 2016.
89 BAUMARD, Maryline, « A Calais, un bidonville " hors contrôle " », Le Monde, 15 octobre 2015.
90 AI Sha, LI Hua, FANG Ke, 《Quan qiu fa zhan yu fei zheng fu zu zhi de zuo yong – guo ji jing yan ji qi tao lun》《全球发展与非政府组织的作用-国际经验及其讨论》(«Le développement mondial et le rôle des organisations non gouvernementales: expériences et discussions internationales»), in Shandong Social Sciences, n ° 1, 2018, p.112.
91 BAUMARD, Maryline, « Dans la " jungle ", des avancées et des manques », Le Monde, 9 juillet 2016.
92 WANG, Yamei, 《Wu bian jie de ou zhou mian lin de bian jie zhi kun》《“无边界的欧洲”面临的边界之困》(« Etude sur les frontières de “l’Europe sans frontières” »), Frontiers, n ° 6, 2019, p.66.
93 LINTEAU, Paul-André, « Un débat historiographique : l’entrée du Québec dans la modernité et la signification de la révolution tranquille » [en ligne], Francofonia, No. 37, 1999, p. 74. Disponible sur www.jstor.org/stable/43016993. [Consulté le 31 juillet 2020]
94 L’Université du Québec à Montréal.
95La Révolution tranquille désigne une période de réformes importantes et de modernisation de l'État québécois dans les années 1960. L’ancien parti (l’Union Nationale) conserve depuis longtemps une idéologie conservatrice et dépassée. Les libéraux gagnent les élections et élaborent un programme résolument réformiste. Une classe moyenne émergente lutte pour plus de ressources économiques et l'on tente de redéfinir le rôle et l'identité de la société francophone du Canada. Pour savoir plus, voir https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/revolution-tranquille.
96 LINTEAU, Paul-André, « Un débat historiographique : l’entrée du Québec dans la modernité et la signification de la révolution tranquille » [en ligne], Francofonia, No. 37, 1999, p. 73. Disponible sur www.jstor.org/stable/43016993. [Consulté le 31 juillet 2020]
97 MAC KAY, Caroline, « L’identité nationale des Québécois », Cahiers de recherche sociologique, n◦27, 1996, pp. 197–201.
98 LANGLOIS, Simon, « Mise à jour et compléments (2002) de l’étude intitulé « Identité et souveraineté nationales : le cas du Québec » » [en ligne], 2002. Disponible sur https://www.saic.gouv.qc.ca/documents/institutions-constitution/commision-souverainete-1991-1992/02-SimonLanglois.pdf. [Consulté le 31 juillet 2020]
99 LAMOTHE BELL, Véronique, « Littérature Québécoise et Problématique Identitaire: Poetique de l'Exil » [en ligne], mémoire de master, Université du Tennessee, Knoxville, 2013, p. 5. Disponible sur https://trace.tennessee.edu/utk_gradthes/1594/ . [Consulté le 31 juillet 2020]
100 Hubert Aquin, écrivain et révolutionnaire québécois. En tant que directeur de la rédaction de Liberté, il s'engage dans un débat sur la question de l'indépendance du Québec. En 1964, il est interné pour des raisons politiques dans un institut psychiatrique pendant quatre mois, où il écrit son premier roman, Prochain Épisode (1965). Après le grand succès du premier roman, il publie aussi Trou de mémoire (1968), L'Antiphonaire (1969) et Neige noire (1974). Pour savoir plus, voir https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/hubert-aquin.
101 Gilles Marcotte, professeur et journaliste québécois, considère que ce roman est « l'une des œuvres littéraires les plus singulières, les plus richement écrites, qui aient vu le jour au Canada français», voir http://www.livres-bq.com/catalogue/10-prochain-episode.html.
102 CARON, Sylvie, « Le désir épique dans le roman Prochain épisode d’Hubert Aquin », mémoire de master, Université du Québec à Trois-Rivières, 1999, p. 62.
103 CARON, Sylvie, « Le désir épique dans le roman Prochain épisode d’Hubert Aquin », mémoire de master, Université du Québec à Trois-Rivières, 1999, p. 66.
104 L'épopée est un genre littéraire, il s’agit d’un long poème empreint de merveilleux et narrant les aventures d'un héros ou célébrant un grand fait. L’adjectif « épique » signifie ici « impressionnant » pour décrire les caractères aventureux des révolutionnaires dans le contexte du roman.
105 AQUIN, Hubert, Prochain épisode, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2005, p. 21.
106 MAC KAY, Caroline, « L’identité nationale des Québécois », Cahiers de recherche sociologique, n◦27, 1996, p. 197.
107Ibid, p. 197.
108 AQUIN, Hubert, Prochain épisode, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2005, p. 5.
109 AQUIN, Hubert, Prochain épisode, Montréal, Bibliothèque québécoise, 2005, p. 20.
110Ibid, p. 31.
111 Ibid, p. 57.
112Ibid, p. 171.
113Ibid, p. 74.
114 BIGRAS, Mireille, « Prochain épisode : le premier roman de Hubert Aquin », Montréal, Liberté, volume 7, numéro 6(42), Montréal, 1965, p.560.