Avant-propos :
A côté d’exercices d’écriture plus scolaires et académiques, le cours de production écrite du second semestre des étudiants de 3eme année laisse une petite place à des travaux d’écriture plus ludiques et créatifs.
Les étudiants se sont essayés à plusieurs types de contraintes créatives littéraires, ce qui a permis aussi d’aborder quelques mouvements littéraires ou écrivains francophones.
A la manière de Raymond Queneau dans son livre fameux Exercices de style (1974) les étudiants ont travaillé à raconter l’histoire de base avec la contrainte stylistique du « Logo-rallye » qui consiste à raconter une histoire en utilisant obligatoirement et dans un ordre déterminé les mots hétéroclites d’une liste établie à l’avance.
Voici que les 7 mots que Queneau a utilisé pour écrire l’histoire des Exercices de style avec cette contrainte particulière: Dot, baïonnette, ennemi, chapelle, atmosphère, Bastille, correspondance
Voici le texte original de Queneau pour la contrainte du Logo-rallye :
Logo-rallye.
Un jour, je me trouvai sur la plate-forme d'un autobus qui devait sans doute faire partie de la dot de la fille de M. Mariage, qui présida aux destinées de la T. C. R. P. Il y avait là un jeune homme assez ridicule, non parce qu'il ne portait pas de baïonnette, mais parce qu'il avait l'air d'en porter une tout en n'en portant pas. Tout d'un coup ce jeune homme s'attaque à son ennemi : un monsieur placé derrière lui. Il l'accuse notamment de ne pas se comporter aussi poliment que dans une chapelle. Ayant ainsi tendu l'atmosphère, le foutriquet va s'asseoir.
Deux heures plus tard, je le rencontre à deux ou trois kilomètres de la Bastille avec un camarade qui lui conseillait de faire ajouter un bouton à son pardessus, avis qu'il aurait très bien pu lui donner par correspondance.
Et voici quelques exemples des productions des étudiants qui ont respecté la même contrainte.
Julien Guillemet
Lecteur de français, SISU, 2017-2018.
Production de PENG Yuyang (Loïc)
C’est la guerre.
Jacques habite à Versailles. Recruté par la troupe il doit partir pour Paris afin de participer à une bataille. Il vient de se marier avec la fille du baron et a reçu une grande somme d’argent comme dot. Il a acheté la meilleure baïonnette avec cette somme d’argent. Puis il est monté dans le bus de l’armée. Le capitaine, un jeune au long coup, coiffé d’un chapeau mou orné d’une tresse tenant lieu de ruban est monté derrière lui.
« Vite ! Les ennemis nous attaquent ! Allons-y ! » il crie d’un ton vif. Puis il s’assoit en tête de bus.
Le premier combat se déclare devant une chapelle, cinq de ses compagnons sont morts. L’atmosphère de l’équipe est très dure. Tous à coup, quand le bus passe par la gare Saint-Lazare, le capitaine lui dit :
« Soldat ! Le bouton de ton manteau a été perdu ! Il faut l’ajuster ! Il faut toujours être bien équipé pour affronter la guerre ! ».
Sa parole fait rire tout le monde.
Enfin, ils sont arrivés à la Bastille. Ils y attendront une correspondance en direction de la Tour Eiffel. Un grand combat les attend là-bas.
Production de XU Jia Yang (Jacques)
Ce jeune homme, coiffé d’un chapeau tellement cher qu’on pense qu’il a épuisé totalement la dot de sa femme pour l’acheter, demande à un voyageur de lui offrir sa place d’autobus.
-« Non. »
Sa réponse est directe et figée comme une baïonnette d’ennemi qui luit dans la nuit.
Le bus passe près d’une chapelle mais le tintement sacré ne rend pas l’atmosphère plus calme. Le jeune homme avec le chapeau et au long cou doit abandonner. Son cou est long comme celui d’un prisonnier de la Bastille qui regarde par la fenêtre et la grille en désirant la liberté.
En changeant de place, il rencontre avec surprise un ami qui lui offre une place. Quelle correspondance ! Ils discutent joyeusement. Son ami lui conseille d’ajuster un bouton de pardessus pour donner l’impression que son cou est plus court.
Production de LUO Qianhong (Laura)
Un jour vers midi, je pris le bus en apportant un collier de diamant en dot pour ma fille. Car il y avait un long chemin à faire, je commençais à lire un livre. Lorsque je lus une phrase : « Ils portaient de simples fusils, des baïonnettes et des couteaux pour attaquer l’ennemi. », un jeune homme au long coup, coiffé d’un chapeau mou orné d’une tresse tenant lieu de ruban, monta en voiture. Quand il passa devant une chapelle, j’entendis que cet homme échangeait quelques mots assez vifs avec un autre voyageur en raison de changer de place. Mais le voyageur n’était pas d’accord. L’atmosphère entre les deux devenait plus tendue et le jeune homme s’est assis à une autre place à la fin.
Je continuai à lire, et après le chapitre « Bastille », il était l’heure de changer ma correspondance. Dans ce cas-là, je vis encore une fois le même jeune homme cour de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un ami qui lui conseilla d’ajuster un bouton de son pardessus.
Production de ZHAO Yixin (Cécile)
Un matin, j’ai rencontré dans un bus un jeune homme au cou fort long. Il portait un chapeau mou orné d’une tresse tenant lieu de ruban. Le chapeau semblait démodé. Il faisait peut-être partie de la dot de sa mère parce que l’on n’utilise plus la décoration en forme de baïonnette dans un chapeau maintenant. Cet individu a échangé quelques mots vifs avec un autre voyageur car ce jeune homme a marché exprès sur les pieds du voyageur. Si cet homme fait exprès comme ça, il sera certainement un homme qui se fera beaucoup d’ennemis. Heureusement, j’allais descendre à l’arrêt d’autobus où se trouvait une chapelle. Ce n’était pas loin. Après la querelle, l’atmosphère dans le bus était étouffante. Je me sentais comme un prisonnier dans la Bastille. Avant de descendre, j’ai vu le jeune chercher une autre place pour rester loin du voyageur.
Un peu plus tard, j’ai revu le même jeune devant la gare Saint-Lazare avec un ami. Son ami allait partir et lui a demandé d’entretenir une correspondance. Avant de partir, son ami lui a conseillé d’ajuster un bouton de son pardessus.
Production de SUO Fei (Sophie)
Je vis cet homme dans un bus l’autre jour. Un homme avec un long cou et un feutre orné d’une belle tresse. Son visage rayonnait d’une immense colère comme s’il avait chez lui une fille laide de trente-cinq ans, désespérée pour l’amour, à laquelle on demande une dot de dix millions pour la marier.
Un peu plus tard, l’homme a tout à coup jeté quelques mots qui tombèrent sur son voisin comme des petites baïonnettes les plus tranchantes. Celui-ci, un pauvre innocent, parut tout perplexe devant sa nouvelle identité comme l’ennemi fatal de l’homme en furie.
Le bus continuait son trajet. On passa la chapelle au coin de la rue Rayson quand l’atmosphère bouillante s’atténua – l’homme se mit debout et s’approcha d’une place devenue libre.
Deux heures plus tard, j’eus la chance de le revoir cour de Rome devant la gare Saint-Lazare en train de discuter avec un vieillard dont le visage et la tenue me rappelaient les révolutionnaires visant à détruire la Bastille. Il donna à notre héros un conseil aussi révolutionnaire d’ajouter à son pardessus un bouton en coquille. Cela était en parfaite correspondance avec mon idée – le bouton en coquille rendrait son apparence plus rigolote et plus tranquille définitivement !